Etrange, cet enthousiasme francolâtre des liégeois qui se cristallise le 14 juillet par l’ampleur des réjouissances républicaines… Et cependant sympathique en diable.

Les liégeois ne s’en rendent pas toujours compte, mais vus par les non-liégeois, ils sont « principautaires » avant tout. Et pourtant, la principauté de Liège, c’était bien plus que l’actuelle province, bien plus que la région liégeoise.
Pourquoi, alors une fête de la République française emporte-t-elle un tel succès? Faut-il y voir un profond sentiment « rattachiste »? Pas si on interroge les gens en général.
Peut-être est-ce une occasion de manifester qu’une « autre » fête peut supplanter notre fête nationale… Qui, ayant lieu le 21 juillet, juste une semaine plus tard, supporte mal la comparaison.

Mais alors, pourquoi ne pas trouver une occasion plus spécifiquement liégeoise?
Le 14 avril, date de l’avènement de Notger, le premier Prince-évêque, en 972? Il donna à Liège sa première grandeur et en fit un centre de premier plan en matière d’enseignement dans le Saint Empire germanique.
Le 6 janvier, pour célébrer la date putative de la fondation d’une Liège indépendante, en 980?
Le 9 avril, pour l’application de la charte d’Albert de Cuyck en 1230?
Le 6 juin pour la « Lettre des Vingt-deux » et le triomphe de la démocratie, en 1343, ou le 1er juillet et la « Lettre de Saint Jacques », qui confirme la précédente, la même année?
Le 27 octobre pour les infortunés 600 franchimontois? Mais ils ne donnèrent lieu qu’au sac de Liège en 1468, dont on dit que l’incendie dura 7 semaines, et à l’exil du Perron à Bruges.
Le 2 mai pour le sacre d’Erard de la Marck? Pacificateur et grand bâtisseur, on lui doit notamment le Palais des Prince-évêques, même s’il n’en vit pas l’achèvement.
Certainement pas le 1er octobre, date de l’annexion de Liège par la Première République française en 1795, qui mit fin à 800 ans de Principauté et qui aurait dû inspirer aux liégeois une haine coriace de la France!
Pourquoi donc le 14 juillet, qui n’eut aucun impact sur Liège, si ce n’est l’avènement d’un régime qui mit fin à la fierté séculaire des liégeois 6 ans plus tard?

Non. Décidément, les liégeois sont différents, souvent sans s’en apercevoir, ils paraissent parfois incohérents ou incompréhensibles, ils restent attachés à une tradition d’indépendance millénaire même si celle-ci fut perdue il y a plus de 200 ans, mais ils sont assez particuliers, même dans les festivités qu’ils célèbrent, pour que les autres wallons le ressentent profondément, à juste titre ou non…

Qui sont-ils vraiment? Et qui veulent-ils être?