sam 14 juil 2007
L’Internet va décidément révolutionner la Recherche. C’est d’ailleurs exactement pour cela qu’il a été inventé, même si les autres applications plus profanes en ont fait l’outil universel qu’il est rapidement devenu!
Les blogs ont permis une expression large et libre, nullement intrusive et facilement accessible. Ils permettent même aux recteurs d’universités de s’exprimer!
Les sites de photos, puis maintenant de vidéos ouvrent également des horizons sans limites.
A voir, l’expérience timide mais intéressante lancée par un de nos collègues de l’UCL: la description d’une recherche en vidéo.
Mais bien sur, on va bientôt aller beaucoup plus loin. On peut imaginer la mise en vidéo des expériences elles-mêmes, de la réflexion scientifique, de l’élaboration des protocoles de travail, bref, un véritable suivi de l’aventure scientifique et une manière plus directe, plus « crue » de communiquer le cheminement intellectuel et pratique de la Recherche. Des blogs apparaissent déjà au sein des réseaux de chercheurs et dans le domaine de la vulgarisation.
On n’ose imaginer les perspectives de communication scientifique qu’apporte un tel outil, le contact infiniment plus proche avec le chercheur et son travail, le dialogue et la confrontation des résultats en temps réel, la visualisation par tous de l’expérimentation même, avant la lecture de la relation aseptisée qu’en fait la publication au sens classique du terme: l’article sur papier.
Au moment où on se lance dans le podcasting pour les enseignements — l’expérience est tentée à l’ULg et va se développer considérablement — pourquoi pas en Recherche également? La publication de podcasts et de videocasts par le Museum of Science de Boston en donne déjà un parfum intéressant, de même que le vidéogramme sur l’évolution de l’American Association for the Advancement of Science.
Le rôle du site web « REFLEXIONS » de l’ULg sera proche de celui-là. Il mettra les chercheurs et leur recherche en évidence et contiendra des démonstrations filmées bien plus informatives, dans certains domaines, que l’information « papier » qui, même assortie de photos ou de schémas, reste incomplète à l’heure de la vidéo.
Mais à côté de ces magazines « policés » de synthèse, on verra aussi se développer des « griffonnages » en vidéo, des billets filmés que pourront diffuser les chercheurs pour partager entre eux les « trucs » de laboratoire ou la progression de leurs travaux et ainsi inventer une toute nouvelle forme de communication en matière de recherche.
Toutes ces approches nouvelles vont secouer sérieusement le monde des chercheurs. On objectera que le peer reviewing doit rester présent et on aura raison, on regrettera les facteurs d’impact et on aura tort. Mais quoi qu’il en soit, qu’on aime ou non, qu’on soit aventureux ou nostalgique, on n’aura bientôt d’autre choix que celui de s’adapter aux nouveaux moyens de communication, sous peine de s’enterrer dans un immobilisme poussiéreux et obsolète et de perdre pied dans la déferlante médiatique.
Préparons-nous au changement. Vite.
Oui, les choses bougent très vite; mais avant de partager votre enthousiasme, permettez-moi de soulever les quelques remarques suivantes sur les enjeux que posent ce recours généralisé à la vidéo que vous annoncez.
1. Tout d’abord, quid de l’indépendance technologique ? Le chercheur de l’UCL dont vous mentionnez le travail a eu, comme vous le soulignez dans votre titre, recours à la plate-forme YouTube. C’est sans doute pratique, mais c’est tout sauf une solution pérenne et stable permettant de publier des recherches (censure sans préavis, arrivée probable de la publicité d’ici peu, limitations techniques diverses, et surtout recours — sans contrat, de surcroît — à un prestataire dont les intérêts peuvent diverger assez fondamentalement de ceux de l’université).
2. Dès lors, il convient pour l’université d’examiner les coûts de production et de diffusion de la vidéo, qui restent assez conséquents dès que les quantités de données deviennent importantes ou dès qu’on veut produire du contenu de bonne qualité formelle.
3. Tant qu’à parler de l’indépendance technologique, il ne faut pas perdre de vue la question des standards. Actuellement, la situation est simple : les standards propriétaires se sont imposés dans la diffusion de la vidéo sur le net (flash principalement, mais aussi wmv, real, etc). Les solutions libres existent mais demeurent confidentielles et souvent moins faciles à utiliser que flash. Ceci pose des problèmes d’accessibilité (les formats propriétaires ne sont pas lisibles sur toutes les plates-formes logicielles), de viabilité (à la différence d’un format libre comme Ogg, rien ne garantir qu’un fichier Real et Windows Media sera encore lisible dans dix ans) et tout simplement d’indépendance technologique (ne pas dépendre d’une seule société privée pour la production et la lecture de contenu) sans parler des aspects pratiques (savoir comment les logiciels fonctionnent en détail, avoir le droit de modifier leur fonctionnement, etc). A moins d’une très hypothétique « libération » de flash dont la rumeur revient de temps en temps, il convient donc à mon avis de soutenir les projets de standards libres pour l’encodage du son (Vorbis) et de la vidéo (Ogg Theora), leur encapsulation (Matroska, OGM) et idéalement leur intégration dans des pages web. Il y a du travail de ce côté. Beaucoup de travail. Et l’enjeu est vraiment de première importance à terme pour la liberté d’expression et l’accès à la culture.
4. Autre question : quid de l’indexation de la vidéo ? Les données texte sont relativement facile à manipuler via des moteurs de recherche permettant des requêtes assez précises sur des masses immenses de contenu. Il n’en va pas de même avec la vidéo, dont l’ »opacité » est beaucoup plus grande (les technologies d’indexation vidéo sont encore balbutiantes et risquent de le rester encore un moment, pour le peu que j’en sache). Négliger cela maintenant reviendra à avoir d’assez gros problèmes demain.
5. Enfin, la question de l’efficacité de la transmission doit être posée. On peut douter que, dans bien des cas, la vidéo soit le medium le plus efficace (en termes de coûts de diffusion et d’efficacité de la transmission de l’information vers le récepteur). La vidéo coûte cher (espace disque, bande passante,…), demande l’attention exclusive du récepteur pendant une période probablement plus longue que pour la transmission d’une même information par du texte, il est moins facile d’y retrouver et de noter des informations chiffrées par rapport à ce que permet une simple feuille de papier, etc
Bref, j’ai le sentiment que si la vidéo est intéressante dans un certain nombre de cas, c’est loin d’être généralisé. Et le texte (et puis le son aussi) garde une réelle attractivité, en raison de sa légereté, de la maniabilité,…
Commentaire de François Schreuer, le 31 juil 2007 à 12:26Je ne demande pas mieux. Mais sur quel budget va-t-on acheter les caméras numériques ?
Commentaire de Pierre Robette, le 1 août 2007 à 16:46Deux réponses rapides.
Bien sûr, la video n’est pas la panacée. Je voulais juste attirer l’attention sur le fait qu’elle apporte, si elle est bien utilisée, des éléments incomparables pour la compréhension de phénomènes à enseigner. Que d’autre part, en videocast elle peut constituer une mémoire fidèle de ce que l’enseignant à dit ou montré et que, par là même, elle apporte, avec son compagnon le podcast, un support complémentaire pouvant aider l’étudiant dans son travail personnel post-cours.
Je serais consterné si l’enseignement se faisait massivement par video et qu’on en arrivait à une dérive totale comme on est en train de l’atteindre en PowerPoint ! En effet, trop d’enseignants « plaquent » sur Ppt tout leur cours et les tirages miniatures deviennent quasi des syllabi…
Enfin, pas de souci pour l’achat des caméras numériques mon bon Monsieur Robette: « sur quel budget, c’est MON problème. Pour tout vous dire, les caméras, de même que les installation de montage et de gestion des ressources numériques, nous les avons déjà, en nombre et qualité plus que suffisants pour répondre à une première demande qui sera forcément timide, sinon je n’aurais voulu encourager mes collègues à la réflexion sur le sujet en écivant cet article de blog…! Nous avons d’ailleurs un service spécialisé en la matière, le Labset qui, bien que déjà très chargé, n’attend que les initiatives nouvelles. Et puis, lorsqu’une politique se dégage dans l’Institution, rassurez-vous, nous veillons à faire suivre l’intendance…
Commentaire de Bernard Rentier, le 18 août 2007 à 10:58Pour information, diverses initiatives de ce type fleurissent sur le web.
Elles répondent à certaines objections de François Schreuer (notamment le second site est financé par la NSF, il propose aux auteurs un mécanisme de synchronisation du texte et de la vidéo, …).
* “Journal of Visualized Experiments”
http://www.jove.com/
* “SciVee” (NSF, PLoS, SDSC)
http://www.scivee.tv/
Commentaire de Marée Raphaël, le 24 août 2007, sur le blog interne
Commentaire de Bernard Rentier, le 24 août 2007 à 17:41