sam 26 mai 2007
Une étude réalisée par des chercheurs du centre de recherche PME de HEC-ULg révèle que les spin-off universitaires wallonnes manquent de souffle et que, si elle sont nombreuses, à Liège en particulier, elles ne manifestent que beaucoup trop rarement l’audace qui fait les croissances rapides et importantes. La presse s’est emparée du sujet, chaque journaliste y ajoutant son interprétation, allant parfois bien au-delà des conclusions de l’étude elle-même, voire à l’opposé des données objectives elles-mêmes (L’Echo, P.3 le 2 mai; Le Soir, p.26 et Vers l’Avenir, p.8 le 3 mai; Trends/Tendances, pp.14-15 le 10 mai; La Libre Belgique, p.23 le 22 mai).
Trop de spin-off?
Qu’en est-il, en particulier à Liège, où l’Université s’est impliquée résolument dans ce processus? En effet, depuis 1981, l’ULg est à la base de la création de 82 entreprises de tous calibres, dont 62 sont actives actuellement. En 1999, nous avons mis en place un système d’accompagnement à la création des spin-off, et depuis lors, 45 nouvelles entreprises ont créé 205 emplois à Liège: sont-ce des emplois superflus? sont-ce, comme le suggère le rapport, des emplois de substitution pour universitaires frustrés en mal de carrière académique? D’une part, l’affirmer serait faire injure aux entrepreneurs qui se sont lancés dans l’aventure et à tous ceux qui construisent ces entreprises de demain. D’autre part, il n’existe pas d’emplois inutiles.
Une croissance trop lente?
Eurogentec, une des success stories liégeoises, qui occupe environ 300 personnes ici, mais aussi en Asie et en Amérique, a fêté ses 20 ans. Après 10 ans, sur base du rapport s’il était sorti à l’époque, on aurait montré du doigt cette société pour la lenteur de sa croissance. Il en aurait été de même pour Samtech (200 emplois) qui a le même âge à peu de chose près. Mithra (27 emplois) vient d’annoncer ses résultats (7,25 M€), Kitozyme lance son usine aux Hauts Sarts le 1er juin prochain, Nanocyl fera de même à Sambreville un peu plus tard, Quality Partner emploie 40 personnes à Herstal depuis 5 ans environ. Toutes ces entreprises ont besoin de temps pour achever la phase de maturation du projet, rendre leur technologie crédible pour un investisseur, faire la preuve de leur adéquation au marché qui souvent, est encore à créer. Cette phase de croissance souvent lente est indispensable. En Région Wallonne, elle est financée dans l’entreprise généralement créée très tôt, et non à l’Université. Il faut donc à une entreprise spin-off, plus de temps en Wallonie qu’en Flandre pour arriver à la phase de commercialisation. On pourrait dire que le défaut principal des spin-off wallonnes, c’est d’être des bébés prématurés, qui accusent une certaine lenteur de croissance. C’est en réalité le manque de disponibilité de fonds permettant une gestation plus longue — donc la mise au monde d’une entreprise moins fragile — qui provoque généralement ces naissances précoces. Et ce syndrome financier est plus marqué chez nous que chez nos voisins du Nord.
Une croissance obligée?
Certaines spin-off sont petites et le resteront probablement : Pro Fish Technologies, créée il y a 2 semaines, est de celles-là. Elle reçoit un accompagnement très mesuré de notre part est financée entièrement par des investisseurs privés. Elle a, comme toute entreprise, la vocation d’être profitable et utile, mais nullement de grandir à forte vitesse. C’est très clair dès le départ, il ne s’agit pas d’un manque d’ambition, mais d’une autre ambition que celle de la croissance à tout prix. D’autres spin-off n’entrent pas dans ce schéma et ont besoin d’un accompagnement renforcé, comme le suggère le rapport. C’est exactement pour donner un tel accompagnement qu’en 2003 a été créée SEED, devenue CIDE en 2005 : une équipe de professionnels capables de coacher les projets les plus prometteurs. Le rapport suggère des aides plus fortes sur moins de projets. C’est exactement la raison d’être de CIDE. Certains projets très technologiques, tels que ceux que génèrent la recherche spatiale ou biotechnologique, ont besoin d’accélérateurs de croissance, et c’est pour cela que la Région wallonne a créé WSL, incubateur spatial et WBC, incubateur biotech. A Liège, une des principales recommandations du rapport est déjà en place, car le portefeuille de projets permettait une telle différenciation qualitative et quantitative de l’aide apportée. Beaucoup de projets sont donc nécessaires si l’on veut développer des approches différenciées.
Des financements trop publics?
Lors de la création d’une spin-off de l’ULg, celle-ci apporte et valorise sa technologie via Gesval (l’ULg n’apporte jamais d’argent, mais du savoir faire valorisable en actions), et le fonds d’investissement Spinventure injecte de l’argent frais, à côté d’investisseurs para-publics, privés ou industriels. Depuis 1999, Gesval a apporté l’équivalent d’1 million d’€ de technologies dans les spin-off, Spinventure y a investi 2 millions d’€. Cela a permis de mobiliser un total de 22 millions d’€ de capitaux dont 68% sont privés. On y voit clairement un effet de levier et non un éteignoir.
Il est évident que, faisant de la recherche pour améliorer leurs produits, ces spin-off font souvent appel à des aides aux PME, comme n’importe quelle autre PME. Il n’y a là rien de critiquable.
Un esprit entrepreneurial trop rare?
Certains chercheurs font preuve de cet esprit. En faisant de la recherche, ils acquièrent le virus et n’ont de cesse de lancer leur entreprise. C’est fort bien. Certains en ont même la capacité. Pas tous, c’est bien normal. Beaucoup, sinon tous, ont besoin d’être encadrés par des professionnels compétents, une évidence qui ne heurte personne quant elle est transposée dans le monde des grands sportifs. Cet encadrement est déjà donné aux jeunes dans notre Ecole de Gestion (HEC-ULg). Les conseils d’administration des spin-off doivent veiller à l’amplification adéquate de l’équipe managériale, et c’est exactement notre pratique à l’ULg. Enfin, il est difficile d’espérer développer chez les jeunes un esprit entrepreneurial et un goût pour la prise de risque dans une région où, culturellement, l’échec commercial est réprouvé et montré du doigt. Tant que cet esprit étriqué prévaudra, il demeurera inutile de nous prendre pour la Californie.
Un constat trop pessimiste
On ne peut nier les informations et les données objectives du rapport. Les faits sont là. C’est avec leur interprétation et les conséquences à en tirer qu’on peut ne pas être d’accord. On n’y trouve pas de surprise lorsqu’on possède une longue expérience de la création d’entreprises et la plupart de ses recommandations sont déjà dépassées par les faits et la pratique dans notre université.
On peut cependant opérer un vrai constat: si l’université avait les moyens d’héberger plus longuement en son sein les projets prometteurs, les accompagner plus loin dans le processus de maturation, en faire plus complètement la preuve de principe, la plupart des différences s’estomperaient. La taille de l’entreprise serait plus grande à sa naissance, le capital de départ serait plus élevé, des managers plus expérimentés s’y intéresseraient, des investisseurs plus diversifiés y participeraient, la croissance serait plus rapide. Le rapport relève cette lacune, mais n’en mesure pas suffisamment les conséquences pratiques, sur le terrain.
L’Université de Liège n’a pas à rougir des sociétés qu’elle contribue à mettre sur pied, petites ou grandes. Il ne faut évidemment pas se tromper de méthode, ni d’échelle, mais tout projet abordé avec rigueur mérite de voir le jour, toute entreprise mérite de naître quand elle est sous-tendue par un vrai projet. Et tout projet très prometteur, à haut potentiel de croissance, doit recevoir un traitement spécifique.
Nées avant terme
J’aurais préféré que les conclusions de ce rapport, sans remettre en cause l’étude, soient moins négatives, moins décourageantes. J’aurais aimé que le traitement que lui a donné la presse soit moins défaitiste, participe moins à la sinistrose wallonne — maladie chronique régionale dont nous avons décidément bien du mal à guérir — car je suis convaincu que des articles comme ceux-là détruisent plus rapidement et plus radicalement le goût d’entreprendre des jeunes wallons que tous les efforts consentis pour le construire.
Pour moi, la conclusion de tout ceci, c’est simplement que nos universités enfantent des prématurés qui ont souvent du mal à croître rapidement et ce constat devrait permettre d’imaginer des remèdes relativement simples. C’est ce message-là qui aurait dû passer.
Monsieur le Recteur,
Professeur,
c’est avec contentement que j’ai lu votre réaction à l’étude menée par le HEC-ULg portant sur le monde des spin-off.
Participant quotidiennement à la pérennisation d’une d’entre elles – ce qui, pour rejoindre les conclusions de l’étude, n’est pas toujours chose facile – il est agréable de se sentir soutenu dans sa démarche.
Mon but, partagé avec bon nombre de mes collègues, est de participer au renouveau économique wallon afin que cette région qui est la nôtre ne soit plus montrée du doigt uniquement pour sa « sinistrose » et ses « affaires ».
Mes salutations respectueuses.
Commentaire de François Jean-Yves, le 29 mai 2007 à 22:19La walonnie n’est pas la californie. Et l’ULG n’est pas le MIT. Si on regarde une spin off du MIT créée en 2001 (1), elle a reçu $102M. 5 fois le total des spin-off de l’ULG si j’ai bien lu ?
Je ne suis pas convaincu que les remèdes soient simples si nous sommes en concurrence directe avec des gens qui ont 5 fois plus de moyens au bas mot. Surtout dans des entreprises innovantes basées sur de nouvelles connaissances, qui historiquement sont parmi les plus longues a démarrer et les plus difficiles a maîtriser. Il me semble que les futurs entrepreneurs que j’ai pu rencontrer n’étaient pas bien préparés à affronter ces difficultés.
Pierre Robette
(1) http://www.a123systems.com
Commentaire de Pierre Robette, le 30 mai 2007 à 17:19Exact. c’est pourquoi nous ne prétendons pas nous mettre en concurrence mais occuper des niches très pointues et très efficaces.
Commentaire de Bernard Rentier, le 30 mai 2007 à 20:18Cependant, vous avez raison, c’est difficile. Et c’est difficile faute de moyens, faute d’investisseurs. Nos spin-off ont du mal à trouver les financements de second tour car personne n’est là pour remplir ce trou…, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis. C’est ça la différence!
Et je suis aussi d’accord avec vous sur le fait que nos entrepreneurs débutants doivent être « coachés ».
De là à renoncer à créer des entreprises chaque fois que c’est possible, je ne franchis pas ce pas. Nous nous priverions des futurs Eurogentec, Samtech, Mithra et autres Quality Partner que j’ai déjà mentionné et qu’avec défaitisme, nous aurions laissés mourir dans l’œuf!
Monsieur le Recteur,
J’ai la chance et la fierté de participer depuis 2001 à l’évolution de deux spin-off issues de mon laboratoire, dont une que je suis plus attentivement.
Il m’arrive souvent de rêver que nous pourrions déjà être leader du marché si nous avions osé démarrer avec plus de moyens. Toutefois j’estime que nous avons beaucoup appris en 5 ans et que nous avons gardées intactes les chances d’occuper une place de tout premier plan.
Je voudrais souligner ici deux constats qui doivent nous inciter à poursuivre une démarche volontariste en matière de spin-off.
1) La création des spin-off a eu des retombées très sensibles sur la renommée et la visibilité internationale de nos travaux de recherche (projets industriels; citation des travaux;…). Il faut absolument prendre cet élément en considération dans l’évaluation des résultats au-délà du seul chiffre d’affaires de la société.
2) Le défaitisme wallon est tel que nous avons d’abord vendu à l’étranger (USA, Corée, France…) et surtout en Flandres! Nous ressentons très fort un syndrôme wallon qui consiste à penser que ce qui se crée en Wallonie ne peut être une référence mondiale!… au point que les spin-off souhaitent souvent cacher leur origine … alors qu’aux E-U le lien d’origine avec le laboratoire universitaire est souvent un symbole de qualité et de fierté!
L’image que les wallons ont d’eux-même m’inquiète très sérieusement. Un représentant étudiant ingénieur affirmait l’autre jour en Faculté que nos jeunes diplômés n’imaginaient pas travailler en Wallonie !!! Cela mérite que l’on se pose des questions.
Oui! Les wallons sont décidément trop pessimistes.
Avec mes salutations respectueuses
Commentaire d’Eric Pirard, le 31 mai 2007, sur le blog interne.
Commentaire de Bernard Rentier, le 31 mai 2007 à 15:01Les wallons sont-ils défaitistes et pessimistes ou réalistes et opportunistes ? La vraie question est comment attirer les investisseurs.
Commentaire de Pierre Robette, le 1 juin 2007 à 15:25L’ULG ne pourrait-elle pas offrir une forme de garantie sur capital pour l’investisseur ?
Non. l’ULg n’en a ni la mission ni le droit. Précisément pour pouvoir prendre certains risques, l’ULg a créé les sociétés anonymes Gesval et Spinventure. Ce n’est que dans ce cadre externe et autonome que, par ses participations, essentiellement sous forme de propriété intellectuelle, que l’Université peut indirectement prendre des risques. Elle ne peut donc, en tant que telle, offrir une quelconque forme de garantie sur capital pour un investisseur.
Par contre c’est la mission du Fonds de garantie de la Sowalfin. Il faut cependant appartenir à un réseau de business angels pour pouvoir en bénéficier en temps que privé.
Toutefois, Gesval essaie actuellement, comme d’autres sociétés de valorisation issues des universités, telles que Sopartec, par exemple, d’assurer une garantie spéciale pour les chercheurs lorsqu’ils investissent personnellement dans des spin-offs, ce qui leur garantirait une couverture partielle en cas de perte.
Mais il faut bien comprendre que qui dit capital à risque, dit risques, et c’est précisément ce risque qui crée en partie l’émulation.
Commentaire de Bernard Rentier, le 2 juin 2007 à 22:27Tout ceci soulève le rôle parfois malsain de la presse qui en caricaturant, s’empare de l’information pour en faire une sensation et met les uns et les autres sur la défensive.
Commentaire de Bernard Surlemont, le 4 juin 2007 à 12:38Je suis effaré de constater le nombre de personnes qui se sont exprimées sur le sujet sur base des articles de presse sans avoir lu une ligne du rapport. Je regrette que la communication de tout cela n’ait pas été mieux gérée car ce rapport pose de vraies questions qu’il serait dommage de balayer d’un revers de la main sous prétexte qu’il faille sauver la face par rapport aux caricatures journalistiques.
Il ne faut pas sauver la face. Il faut remettre les pendules à l’heure face aux dérives journalistiques, c’est vrai.
C’était le sens de mon article.
Il faut aussi être très prudent lorsqu’une étude est livrée en pâture à la presse. Tout peut en sortir… Y compris un effet anti-entreprenariat très puissant.
Commentaire de Bernard Rentier, le 4 juin 2007 à 23:17Monsieur le Recteur,
Ayant de 2000 à 2005 exercé la tâche d’Expert en Valorisation des résultats de la recherche à ce qui est maintenant l’ULg et était alors la FUSAGx, j’ai pu voir de près le début de l’éclosion de la troisième mission de l’Université.
Pour avoir blanchi sous ce harnais, ce dont je suis extrêmement contente et fière, je voudrais dire à ceux qui regardent les choses de l’extérieur qu’ils ne mesurent pas bien à quel point des hommes et des femmes se dévouent au quotidien, parfois jour et nuit,pour que des entreprises naissent et vivent en Wallonie.
A l’heure des tourmentes politiques et des débats communautaires au-dessus desquels les hommes voudraient s’élever (car il y a entre les scientifiques flamands et wallons des liens qui se rient du riducule), c’est un fait à ne pas oublier.
A Liège, sans Michel Morant et Bernard Rentier, les choses en seraient à une conception purement académique de l’université qui est loin de la réalité économique actuelle.
L’impulsion donnée par les équipes qui se sont renforcées n’est pas prête de s’arrêter, et cela continuera.
En 1982, quand on était biologiste à Liège, on trouvait un désert en sortant de l’Alma Mater. Ce temps-là est bien révolu. Et l’on ne peut que s’en réjouir.
Mariette DELCOUX
Commentaire de Mariette DELCOUX, le 27 mai 2010 à 9:16Licenciée en Sciences Botaniques ULG 1982
Mandataire en Brevets belges et européens
C’est avec un certain recul que je réagis à vos commentaires de 2007, auxquels j’adhère encore à ce jour, concernant les critiques parues dans la presse de l’époque concernant la politique de création de sociétés spin-off par les Universités et sur leurs difficultés à grandir.
Commentaire de Jean-Paul Pirard, le 31 août 2014 à 12:08Admis à l’éméritat le 1er octobre 2013, je puis aujourd’hui faire un bilan sur mes propres travaux – 200 articles dans des journaux scientifiques et 10 brevets – et sur mon expérience relative à leur valorisation dans l’industrie par la création d’entreprises – Nanocyl sa – ou par des sociétés existantes.
Il faut d’abord bien distinguer les notions de découverte, d’invention et d’innovation souvent confondues dans les milieux universitaires et académiques. Pour créer une entreprise viable, seules invention et innovation sont absolument nécessaires, mais ne sont pas suffisantes, car le milieu industriel est très concurrentiel.
Dans le contexte belge, j’ai observé quatre types de cas :
1° le produit ne correspond pas à un vrai marché ; la spin-off va vivoter avec des subventions jusqu’à disparaître ;
2° le produit correspond à un vrai marché de niche à faible potentiel ; les grandes entreprises ne sont pas intéressées par ce petit marché et ne vont pas réagir à la création de la spin-off, ce qui permet à la spin-off de prendre sa place mais avec un développement lent et limité ;
3° le produit correspond à un marché à grand potentiel mais avec un développement relativement lent et avec un grand risque industriel ; soit les grandes entreprises ne réagissent pas immédiatement et la spin-off va pouvoir se développer et pourra éventuellement résister aux grandes entreprises lorsque celle-ci se lanceront sur le marché, soit les grandes entreprises réagissent mais s’impatientent, après un certain temps, devant le manque de rentabilité à court terme et abandonnent le produit et le marché ;
4° le produit correspond à un marché à très grand potentiel et à développement rapide ; les grandes entreprises vont réagir immédiatement à cette opportunité, soit en achetant la spin-off, soit en l’éliminant en la concurrençant par des moyens humains, financiers et juridiques dont la spin-off ne peut disposer ; selon mon expérience, la seule solution dans ce cas pour les Universités est de collaborer avec les grandes entreprises en déposant des brevets en copropriété et d’obtenir des royalties.
Ceci explique pourquoi une spin-off prend beaucoup de temps à se développer.