En entendant un fils d’immigrés comme Sarkozy prendre des positions aussi radicales à l’égard de l’immigration (je sais, ce n’était que pour le premier tour, la nature de la confrontation du second incite à une sérieuse et rapide révision des concepts), je suis frappé par cette caractéristique de la nature humaine qui veut que le dernier arrivé dans un autobus bondé soit aussi le premier à trouver que cela suffit.

Lorsque la combinaison de l’implantation nouvelle de l’université et de l’exode centrifuge des citadins attira de nouveaux résidents aux abord du petit village du Sart Tilman, de nombreuses voix s’élevèrent contre l’urbanisation de cette zone boisée. Aujourd’hui, deux de ces nouveaux venus ont complètement oublié cet épisode et s’insurgent eux-mêmes contre l’extension du Parc Scientifique, fleuron de la région liégeoise en matière de reconversion industrielle et levier indispensable pour son redressement économique.
Or ce ne sont pas des industries polluantes qu’on veut y mettre, ce ne sont pas des hauts-fourneaux ni des usines de retraitement de déchets, encore moins des élevages de volailles en batterie ou un dancing. Il s’agit ici de PME de haute technologie, triées sur le volet et soumises à des normes très strictes en matière de nuisances.

Alors, où est le problème? Le problème, c’est que cela va créer de l’emploi. Et s’il y a de l’emploi, il va y avoir des gens. D’autres gens! Et, comme disait Sartre, « l’enfer, c’est les autres ». Des gens qui viendraient le matin et repartiraient le soir. Des gens qui auraient des voitures, rouleraient dans les rues et se parqueraient partout. Des gens qui pourraient même avoir des enfants qui viendraient surpeupler les crèches et les écoles. On ne saurait être assez prudent. Imaginez qu’on entende quelque chose! Ou que ça dégage une odeur de recherche! Après tout, on était les premiers dans le coin, ce serait moche que quelqu’un d’autre s’installe à proximité de ce qui, sans nous appartenir, fait partie de notre univers personnel. Nous ne sommes évidemment pas contre la création d’emplois, d’entreprises, de parcs scientifiques, mais chez les autres, pas derrière chez nous. C’est le célèbre syndrome NIMBY, not in my backyard.

Que cette activité, d’un calme exceptionnel (il suffit de se balader dans le Parc actuel pour s’en rendre compte), contribue à l’essor de la ville et ses environs tout en bénéficiant de la proximité de l’Université qui trouve là un territoire favorable au développement groupé et intégré de ses entreprises spin-off, qu’importe. Il y a en outre des chances pour que ce soient les mêmes personnes qui critiquent la lenteur du redressement économique régional, qui se demandent en quoi l’université prétend y contribuer et qui se plaignent du niveau élevé de leur fiscalité.

J’admire une démocratie qui permet au citoyen isolé de défendre ses droits contre toute forme de machine broyeuse et inhumaine le privant de ses droits fondamentaux. Mais je déplore que des projets importants soient compromis pour la seule raison qu’ils pourraient peut-être déranger quelques uns qui placent ce qu’ils estiment être leur confort personnel au-dessus de l’intérêt général.

En attendant, ce n’est pas seulement un retard que cette action va provoquer mais, à cause de ce retard, le risque très clair, d’une part, de ruiner les efforts de tout ceux qui ont contribué à convaincre une entreprise d’envergure internationale de s’installer dans l’extension du Parc et d’autre part, de faire perdre à la région liégeoise des sommes considérables en millions d’€ qui ne seront pas accordées par l’Europe, faute de respect des délais.

Mais au moins, heureux dans leur backyard, les plaignants auront la satisfaction de savoir que là-bas derrière les arbres, il ne se passe rien.