sam 28 avr 2007
En entendant un fils d’immigrés comme Sarkozy prendre des positions aussi radicales à l’égard de l’immigration (je sais, ce n’était que pour le premier tour, la nature de la confrontation du second incite à une sérieuse et rapide révision des concepts), je suis frappé par cette caractéristique de la nature humaine qui veut que le dernier arrivé dans un autobus bondé soit aussi le premier à trouver que cela suffit.
Lorsque la combinaison de l’implantation nouvelle de l’université et de l’exode centrifuge des citadins attira de nouveaux résidents aux abord du petit village du Sart Tilman, de nombreuses voix s’élevèrent contre l’urbanisation de cette zone boisée. Aujourd’hui, deux de ces nouveaux venus ont complètement oublié cet épisode et s’insurgent eux-mêmes contre l’extension du Parc Scientifique, fleuron de la région liégeoise en matière de reconversion industrielle et levier indispensable pour son redressement économique.
Or ce ne sont pas des industries polluantes qu’on veut y mettre, ce ne sont pas des hauts-fourneaux ni des usines de retraitement de déchets, encore moins des élevages de volailles en batterie ou un dancing. Il s’agit ici de PME de haute technologie, triées sur le volet et soumises à des normes très strictes en matière de nuisances.
Alors, où est le problème? Le problème, c’est que cela va créer de l’emploi. Et s’il y a de l’emploi, il va y avoir des gens. D’autres gens! Et, comme disait Sartre, « l’enfer, c’est les autres ». Des gens qui viendraient le matin et repartiraient le soir. Des gens qui auraient des voitures, rouleraient dans les rues et se parqueraient partout. Des gens qui pourraient même avoir des enfants qui viendraient surpeupler les crèches et les écoles. On ne saurait être assez prudent. Imaginez qu’on entende quelque chose! Ou que ça dégage une odeur de recherche! Après tout, on était les premiers dans le coin, ce serait moche que quelqu’un d’autre s’installe à proximité de ce qui, sans nous appartenir, fait partie de notre univers personnel. Nous ne sommes évidemment pas contre la création d’emplois, d’entreprises, de parcs scientifiques, mais chez les autres, pas derrière chez nous. C’est le célèbre syndrome NIMBY, not in my backyard.
Que cette activité, d’un calme exceptionnel (il suffit de se balader dans le Parc actuel pour s’en rendre compte), contribue à l’essor de la ville et ses environs tout en bénéficiant de la proximité de l’Université qui trouve là un territoire favorable au développement groupé et intégré de ses entreprises spin-off, qu’importe. Il y a en outre des chances pour que ce soient les mêmes personnes qui critiquent la lenteur du redressement économique régional, qui se demandent en quoi l’université prétend y contribuer et qui se plaignent du niveau élevé de leur fiscalité.
J’admire une démocratie qui permet au citoyen isolé de défendre ses droits contre toute forme de machine broyeuse et inhumaine le privant de ses droits fondamentaux. Mais je déplore que des projets importants soient compromis pour la seule raison qu’ils pourraient peut-être déranger quelques uns qui placent ce qu’ils estiment être leur confort personnel au-dessus de l’intérêt général.
En attendant, ce n’est pas seulement un retard que cette action va provoquer mais, à cause de ce retard, le risque très clair, d’une part, de ruiner les efforts de tout ceux qui ont contribué à convaincre une entreprise d’envergure internationale de s’installer dans l’extension du Parc et d’autre part, de faire perdre à la région liégeoise des sommes considérables en millions d’€ qui ne seront pas accordées par l’Europe, faute de respect des délais.
Mais au moins, heureux dans leur backyard, les plaignants auront la satisfaction de savoir que là-bas derrière les arbres, il ne se passe rien.
Oufti! Quel beau billet! Chapeau bas devant la métaphore de l’autobus… Sur le fond, il me semble effectivement que l’air du temps est parfois dangereusement, en Wallonie notamment, mais pas seulement, à privilégier une médiocre tranquillité égoïste par rapport à la conquête de nouvelles frontières. L’air du temps disais-je… Il est ce qu’on en fait, par nos prises de parole. Il faut continuer à taper sur le clou, Monsieur le Recteur, cher Bernard…
Commentaire de Charles Bricman, le 29 avr 2007 à 19:06Cordialement,
Charles
J’ajouterai, Monsieur le Recteur que les scandaleux délais que s’autorise le Conseil d’Etat pour examiner le recours des deux riverains du parc scientifique ne fait rien pour aider la Wallonie et la région liégeoise en particulier à redresser la tête
Commentaire de Michel Konen, le 30 avr 2007 à 12:46« Mr le Recteur, Voila comment, il me semble, on peut expliquer cette caractéristique humaine. Vous prenez le Candidat Mr. Sarkozy en exemple. Cette homme a certainement fait un cheminement, fruit de son éducation et de sa réflexion. Son père étant immigré, il s’est certainement senti envahi d’une « mission » supérieure aux « petits francais ». Cette mission par laquelle il doit montrer que le nom « Sarkozy » n’a pas « débarqué » en France pour profiter d’elle mais pour la remercier et la faire prospérer. S’il se présentait en tant que fils d’immigré protecteur absolu des immigrés, il à peur, me semble-t-il, qu’on le taxe de clienteliste ! Je ne vois aucun racisme gratuit derrière cette politique, peut-on reprocher à un homme de bousculer les gens au lieu de les assister ? A ce sujet, chacun y verra clair, je l’espère, à travers les urnes pleines du 6 mai prochain.
Commentaire de Genin, le 30 avr 2007 à 18:01Quant aux habitants du Sart tilman, ils sont victimes de la nature Humaine, j’en ai bien peur. Cette habitude qu’ont les nouveaux arrivés d’être plus intransigeant que les habitants du cru n’est pas nouvelle. Il y a une envie, je pense, de marquer le coup et de mieux creuser son trou dans cette intransigeance. Aussi, celui qui est là depuis 15 ans trouvera de mauvais motifs au nouvel étranger (qui plus est une PME) alors que lui ne se trouve que des motifs défendables concernant sa venue passée. Encore une fois, celui qui a toujours été là est souvent plus souple et moins mesquin. On peut voir le même exemple lorsque j’ai discuté avec un immigré de l’après-guerre évoquant les nouveaux flux migratoires, on peut retrouver la même dureté. Chacun a peur de perdre sa petite tranquilité…la balle, pour moi, est dans le camp des PME etc.. qui doivent se trouver convaincantes, indispensables et adopter un visage plus humain si elle ne l’ont pas deja. Par la persuasion, rien ne me parait impossible.
Bien à vous.
Genin.
Monsieur le Recteur,
Félicitations pour cet article. Beaucoup ont eu les mêmes pensées suite à l’article de presse sans les écrire.
Mais pourquoi ne susciteriez/publieriez-vous pas une opinion ou carte blanche sur ce problème à haut impact économique ? Pourquoi les médias ne feraient-il écho qu’aux plaignants ?
Cet impact économique me paraît égal pour Liège et nous à ce qu’était pour le centre-ville et la Justice celui des extensions du palais de justice. Le bon sens l’a emporté.
Sans oublier de faire préparer une défense rapide, construite et efficacement agressive.
Avec mes sentiments distingés,
Y.-H. Leleu.
Commentaire de Yves-Henri Leleu, le 30 avr 2007 sur le blog interne
Commentaire de Bernard Rentier, le 30 avr 2007 à 23:09Cher Monsieur Konen,
Merci de votre remarque. Mais peut-être aussi le Conseil d’Etat est-il encombré par ces innombrables recours qu’il est aujourd’hui possible et de grande mode de déposer pour un oui ou pour un non, ce qui expliquerait aisément les délais d’attente de ses jugements… Là réside sans doute le problème!
Commentaire de Bernard Rentier, le 30 avr 2007 à 23:13Il ne faudrait pas croire que tous les riverains sont solidaires de ces revendications. Certains savent que le comité de quartier défend plus des positions d’intérêt personnel (de membres du comité justement) que collectif. C’est pourquoi je n’y ai jamais adhéré parce qu’ils “rouspètent” sur tout, dont peu de choses pour la protection réelle des habitants. Il y a d’abord eu le bruit d’Eurogentec (là, il est vrai que le système de ventilation était quelquefois exagéré, mais il a d’emblée été abordé avec beaucoup d’agressivité, je pense), puis le rond-point (il paraît que ça allait attirer les voleurs!), puis le parc de recherche, puis l’immeuble à habitations multiples près de l’école communale (trop haut, trop peu de parking, trop peu d’espaces verts, trop d’habitants…), maintenant le lotissement derrière le Parc Françoise (idem). S’il est vrai qu’il y a parmi ces questions quelques vigilences justifiées, les détails sont parfois égoïstes en effet voire mesquins, d’autant qu’effectivement, cela se passe derrière les arbres et n’affecte pas le voisinage immédiat de tout un chacun.
Ce que j’aime dans cette histoire d’extension du Parc de Recherche – est-ce par hasard ou calculé? – c’est qu’ils ont laissé faire les travaux d’assainissement avant que ne tombe cet arrêt.
Maintenant si la seule exigence ne concerne qu’un un petit tronçon de route pour l’accès direct au Parc de Recherche, comme le stipule “la feuille du CQST (Comité de Quartier du Sart-Tilman), était-il nécessaire de tout faire arrêter ? Parce que, sans préjuger d’éventuelles difficultés techniques ou urbanistiques, il n’est peut-être pas impossible de le réaliser ce tronçon de route. Quoi qu’il en soit, cela ne justifiait pas le recours introduit par 2 personnes au nom de tout un quartier.
Commentaire de Lecomte Marie-Berthe, le 30 avril 2007 sur le blog interne
Commentaire de Bernard Rentier, le 30 avr 2007 à 23:58Un collègue bien informé me communique ceci, par e-mail:
« Les habitants du ST ne sont pas du tout contre l’extension du Parc, mais veulent juste une toute petite modification au plan de circulation… Ce sont les autorités politiques de Seraing et de Liège qui, par leur rigidité, ont créé un blocage… et comme ils veulent passer en force maintenant, ils actionnent les medias très mal renseignés sur le fond des choses.
Les arguments de sécurité du CQST (Comité de quartier du Sart Tilman) contre le rond-point sont faibles et de mauvaise foi [...] et même contre-productifs. Par contre, [...] la solution proposée pour l’accès à la partie Seraing de l’extension [n'est qu'une] broutille du point de vue du changement proposé… mais qui est extremement importante pour les flux automobiles incriminés.
Je ne peux que conclure que c’est vraiment de la mauvaise volonté des autorités que de la refuser… et que, maintenant que c’est quasi trop tard, on fait un chantage à l’emploi et au développement de la région…
Ce qui me chagrine, c’est que mon Recteur tombe dans le panneau comme le citoyen lambda… en lisant les journaux ».
Commentaire de Bernard Rentier, le 30 avr 2007 à 23:55Et ces entreprises, ne pourrait-on les mettre au centre ville pour le redynamiser ? Et y aller à pied ou en vélo plutôt qu’en voiture ?
Commentaire de Pierre Robette, le 14 mai 2007 à 14:43Entre 1991 et 1997, j’ai eu la chance de travailler au sein de Spacebel, spin-off de l’ULg, installée dans le Parc Scientifique. J’ai réellement beaucoup de mal à comprendre comment on peut considérer que les activités de recherche développées au sein des entreprises du Sart Tilman sont de nature à perturber le voisinage. En effet, aucune activité industrielle ou de négoce n’y est exercée et hormis le charroi lié aux déplacements du personnel, des visiteurs et des fournisseurs, on ne peut décemment pas parler de nuisances.
A l’époque, nous avions même créé un club des entrepreneurs afin d’améliorer le confort de tous et développer des actions telles que le passage du bus 48 matin et soir dans le parc, la mise en commun de services de gardiennage et de sécurité, de restaurant d’entreprise, voire de crèche.
Ces manoeuvres opportunistes de frein au développement d’activités de pointe dans notre Province déjà bien lourdement touchée par les restructurations et délocalisations d’activités porteuses d’emploi sont réellement réductrices.
Commentaire de Philippe Volon, le 15 mai 2007 à 12:41