Ce matin, dans le Soir (p.12), on trouve une carte blanche de Philippe Busquin, ancien Commissaire européen à la Recherche et de Philippe Maystadt, ancien Ministre de la Politique scientifique, avec le titre: « M. Nollet, nous ne comprenons pas votre obstination ».
Ces deux personnalités volent ainsi à la recousse du Conseil d’administration du FRS-FNRS qui avait manifesté publiquement son inquiétude, des Prix Francqui qui ont également publié une carte blanche le 11 juillet dernier ainsi que des chercheurs qui ont émis un communiqué soutenu par 3.200 signatures.
MM. Busquin et Maystadt, tout en appréciant divers aspects du décret et en particulier la pérennisation de la subvention du FNRS par la Communauté française et la Région wallonne, demandent au ministre de corriger son tir et d’abroger la mention de l’impact « sociétal » de la recherche en tant que critère de sélection. Ils reconnaissent, comme nous tous, la nécessité pour le chercheur de se préoccuper des conséquences que pourrait avoir sa recherche sur l’évolution de la société, et en particulier des conséquences néfastes. Mais la façon dont le projet de décret est libellé laisse planer un doute qui fait bondir tous ceux qui considèrent la recherche comme une valeur essentielle de notre société ainsi que tous ceux qui en ont fait un métier et pour qui c’est une passion.
Le futur décret prévoit, en effet, que « La sélection des projets à financer est effectuée sur la base du classement réalisé par des commissions scientifiques, lesquelles évaluent notamment les qualités du candidat (le parcours académique, l’expérience professionnelle et les publications), les qualités du projet (l’originalité, la faisabilité, la méthodologie et les impacts sociaux potentiels de la recherche) et l’environnement de recherche. »
Formulé de la sorte, il est évident pour tout chercheur en science fondamentale, quelle qu’elle soit, que cette condition préalable est inacceptable. Tout d’abord parce que, dans l’absolu, elle bride la recherche de base mais aussi parce qu’elle oblige le chercheur, dans beaucoup de cas, à inventer une justification utilitaire à son projet, un exercice inutile et pernicieux.
Par contre, si la volonté du ministre, comme je crois l’avoir perçue lors de nos discussions sur le sujet, est d’amener le chercheur à se poser des questions sur l’impact potentiel de ses recherches et qu’il puisse faire part de sa réflexion, le cas échéant, lors de ses rapports périodiques, la préoccupation devient assez normale et de bon sens. Une simple adaptation du texte permettrait alors de lever l’ambiguïté.
Il n’en reste pas moins vrai que, s’il est normal et nécessaire que le pouvoir politique vérifie l’usage qui est fait des moyens qu’il accorde, il est impératif, dans le domaine de la Recherche, que les conditions d’octroi restent la prérogative des commissions d’experts et du Conseil d’administration du Fonds.