février 2009


J’ai souvent fustigé sur ce blog la voracité des grands éditeurs de revues scientifiques qui s’exerce aux dépens de la recherche. C’est le caractère déraisonnable et très largement exagéré de cette rapacité qui a déclenché le vaste mouvement de l’Open Access dont les dépôts institutionnels sont à la fois un élément constitutif et une étape obligée.

On constate aujourd’hui le progrès des éditions en accès libre de type « BMC », BioMed Central, dont la série grandissante des revues « en ligne » devient très populaire dans le monde des sciences du vivant. D’autre part une large majorité des éditeurs admet aujourd’hui que les articles publiés soient rendus accessibles librement dans les dépôts électroniques thématiques, nationaux, régionaux et/ou institutionnels.

Il reste néanmoins des récalcitrants intraitables. Le champion toutes catégories, Elsevier, qui pratique l’exploitation la plus scandaleuse et la plus intransigeante, continue à bien se porter malgré la crise, merci pour lui.
Pour plus d’informations, lisez les résultats financiers préliminaires de Reed Elsevier pour 2008. La seule division Elsevier du consortium a ainsi vu ses rentrées croître de près de 12% de 2007 à 2008 pour atteindre 1,7 milliard de £ (1,9 milliard d’€) avec un bénéfice net en augmentation de 16% et se montant à 568 millions de £ (645 millions d’€). Tout cela grâce à une clientèle captive. Comme le suggère le célèbre blog « The Imaginary Journal of Poetic Economy », l’éditeur, en se contentant d’un confortable profit net de 13%, pourrait alléger ses prix de 20%. Mais nous ne sommes ni dans l’imaginaire, ni dans l’économie poétique…

Evidemment, il n’y a rien d’illégal dans ces pratiques: tout est basé sur l’acceptation volontaire des chercheurs qui n’ont jamais entrepris de boycotter la maison d’édition ni pour leurs publications ni pour leurs lectures, en raison du prestige des périodiques qu’elle édite. En effet, personne ne vous oblige à fréquenter un restaurant hors de prix, c’est votre choix. Là où les choses se gâtent, c’est si ce n’est pas vous qui payez, mais l’Institution où vous travaillez. Et c’est ce qui se passe dans les universités. Les chercheurs attendent de leur Institution qu’elle prenne en charge l’achat de la plupart des revues.

C’est sur ce principe que j’ai pris l’initiative, il y a quelques années, de faire prendre en charge par l’Université les frais de publication dans les revues en Open Access. Hormis le fait que BMC commence à pratiquer une politique des prix de publication exponentielle et inquiétante (on dépasse aujourd’hui les 1.000 € par article, l’appât du gain se retrouve partout!), il est évident que cette politique ne tient la route que si elle s’accompagne d’un renoncement aux revues coûteuses. Rassurez-vous, il en existe beaucoup qui restent très abordables.

En clair, comme nous voulons continuer à prendre en charge la publication dans des revues en accès libre et que de plus en plus de nos chercheurs y publient, nous allons mettre fin à l’achat institutionnel des revues les plus hors de prix, c’est d’une parfaite logique. Une consultation large va devoir être mise en œuvre afin que cette mesure soit largement comprise et consentie au sein de l’Institution.

[Merci à DigitalKoans]

Les élections au Conseil d’administration de l’ULg approchent à grands pas.
Comme tous les corps, les étudiants vont voter et il est important qu’ils le fassent. Et qu’ils présentent en nombre leur candidature également.
Persuader les étudiants de participer aux élections en votant ou, mieux encore, en étant candidat, n’est généralement pas chose facile. Les exhortations des autorités académiques n’ont que peu d’effet. La « Fédé » a plus de chance de convaincre et elle s’y emploie. En particulier, elle y a consacré la plus grande partie du dernier numéro de son journal, le P’tit Torè.
Comment ne pas être désarçonné , dès lors, par le choix de l’illustration en couverture ?

Première hypothèse: les étudiants responsables n’ont jamais entendu parler du personnage, ils ont juste sélectionné la photo d’un brave citoyen (en képi, il est vrai) en train de voter. Cela m’étonnerait, connaissant leur érudition politique.

Deuxième hypothèse: ils ignorent tout du bilan de l’homme, la dictature totalitaire, le Goulag, la Sibérie, les déportations massives des coréens, des polonais, des allemands de la Volga, des baltes, des tchétchènes, des tatars de Crimée, des kalmouks, des ukrainiens, entre autres. Il n’ont pas eu vent des séquestrations arbitraires, du placement forcé de centaines de milliers d’enfants en orphelinat, du Politburo, des purges systématiques, des rafles quotidiennes et de la terreur permanente. Cela m’étonnerait tout autant, pour la même raison. Ils devraient également ignorer les pratiques électorales connues du monde entier sous le nom de « vote stalinien » et ce serait encore plus surprenant.

Troisième hypothèse: tout ceci n’est qu’un énorme clin d’œil, certes de mauvais goût, mais relevant d’un humour au second degré. Dans ce cas, on devrait en trouver la clé quelque part dans ce même numéro du journal. J’en ai nourri l’espoir mais il n’en est rien, j’ai bien cherché…

Quatrième hypothèse: l’allusion est intentionnelle. Le sympathique « petit père des peuples » est bien une référence honorable pour l’éditeur responsable du P’tit Torè (la Fédé), il est une icone montrant à tous le chemin à suivre et les méchancetés que l’on raconte sur son compte ne sont que malveillance. J’espère de tout cœur qu’un tel révisionnisme n’a pas cours dans notre université.

Une cinquième hypothèse m’échappe? Dites-moi que oui!

On me dira que je m’inquiète pour quelque chose de bien anodin mais, sans rire, ce n’est pas mon avis. Et si j’étais étudiant à l’ULg en 2009, je me poserais quand même sérieusement la question de savoir qui me demande d’adhérer et à quoi…

Recommended: a remarkable and very complete review of OA by Peter Suber.

The “Green Open Access (OA)” solution, providing free access to research publications in Institutional Repositories (IRs) via the Web, is certainly the best one, but sooner or later it will face a new wave of centralised thematic or funder repositories (CRs).

The latest initiative comes from the very active EUROHORCs (European Association of Heads of Research Funding Organisations and Research Performing Organisations), well known for its EURYI prizes and for its prominent influence on European thinking in the research area. EUROHORCs is working to convince the European Science Foundation (ESF) to set up, through a large subsidy from the EC, a centralised repository (CR) which would be both thematic (Biomedical) and local (European). The concept is inspired by PubMed Central, among others.

The EUROHORCs initiative is very well-intentioned. It is based on an awareness that many of us share: It is of the utmost importance that science funded by public money should be made freely and easily accessible to the public (OA). But the initiative also reveals a profound misunderstanding about what OA and researchers’ real needs are all about.

The vision underlying the EUROHORCs initiative is that research results should be deposited directly in a CR. However, if research results are not OA today, this is not because of the lack of a CR to deposit them in, but rather because most authors are simply not yet depositing their articles at all, not even in an IR.

Creating a new repository is hence not the solution for making research OA. The solution lies in universal deposit mandates, from both institutions and funding agencies. If this task is left to large funders such as the European Community, their central repositories will only contain publications of the research they have funded. From this it is easy to see that researchers will ultimately have to deposit their publications in as many repositories as there are funders supporting their research. Not only is this not practical, it is needlessly cumbersome.

The obvious solution is that both research institutions and funding agencies should jointly require IR deposit. Once that systematic coordination has been successfully implemented, if CRs are desired, they can easily be created and filled using compatible software for exporting or harvesting automatically from IRs to CRs.

What is worrisome is the needless double investment in creating two distinct kinds of repositories for direct deposit. This trend seems to rest on the naive notion that, in the Internet era, it is somehow still necessary to deposit things centrally. But in reality, the centralising tool is the harvester, and its search engine. Google Scholar, for example, is quite efficient in finding articles in any repository, institutional or central, yet no one deposits articles directly in Google Scholar. The perceived need for direct-deposit CRs is groundless, technically speaking. Such CRs even run the risk of serving as hosts for only the publications funded by a single funder. IRs guarantee OA webwide for all research output, in all disciplines, from all institutions, regardless of where (or whether) it has been funded.

It is understandable that funders may wish to host a complete collection of the research they have funded, but nowadays that can easily be accomplished by importing it automatically from the more complete collections of the distributed IRs — since institutions are the universal providers of all research output, funded and unfunded — as long as funders collaborate with institutions in first ensuring that all the IRs are filled with their own institutional research output.

Besides, the OA philosophy is global. It cannot be reduced to a single continent. Science is universal.

Giving priority to creating more CRs for direct deposit today is not only a waste of time: it is also counterproductive for the growth of convergent funder and institutional mandates. It would generate multiple competing loci of primary deposit for authors — most of whom, we must not forget, are still not depositing at all.

In conclusion, it seems far more efficient to focus first on filling IRs at this time; once that is accomplished, if it is judged useful, CRs can be configured to collect their data from IRs rather than being used as divergent points of direct deposits themselves.

The potential success of OA, without conflicting head-on with publishers, rests on the deposit of authors’ own final drafts of their published articles, through a one-time, simple action on the part of the author. All research is generated from research institutions: IRs are hence the natural locus for author deposit, providing optimal proximity, convenience and congruence with the mission of the author’s own institution. The rest is merely technical: a matter of automated data transfer to external CRs.

The EUROHORCs proposal is only worthwhile if it contributes to the secondary harvesting of data from primary IRs. Otherwise, it is missing the point of OA.

ORBi wins its challenge

U. Liège’s IR « ORBi » (Open Repository and Bibliography) is fulfilling its promise: over 4,000 references have already been filed since November 26th and, in a happy surprise, 79% of these articles turn out to be full text. This is thus ahead of schedule for our institutional Green OA Mandate (announced in March 2007 to take effect in October 2009): « Whenever the university reviews faculty publications for promotion, tenure, funding, or any other internal purpose, the review will be based exclusively on full texts deposited in the IR. »

The graph below shows clearly how the IR contents are growing. And yet a quick calculation also reminds us that we are still far from capturing the actual number of papers published yearly by our university authors.

A lire: une remarquable revue très complète de l’OA par Peter Suber.

La formule des dépôts institutionnels permettant la libre consultation de publications de recherche par l’Internet est certes la meilleure, mais elle est, tôt ou tard, menacée par une nouvelle tendance visant à créer des dépôts thématiques ou des dépôts gérés par des organismes finançant la recherche.

La dernière initiative provient de la très active association EUROHORCs (European association of the heads of research funding organisations and research performing organisations), bien connue pour ses prix EURYI et dont l’influence sur la réflexion européenne en matière de recherche est considérable. Elle tente de convaincre l’European Science Foundation (ESF) de mettre sur pied, grâce à une subvention considérable des Communautés européennes, un dépôt centralisé qui serait à la fois thématique (sciences biomédicales) et localisé (Europe) sur base du principe qui a conduit à la création de PubMed Central, par exemple.

L’idée part d’un bon sentiment. Elle est née d’une prise de conscience que nous partageons tous: il est impératif que la science financée par les deniers publics soit rendue publique gratuitement et commodément. Mais en même temps, elle est fondée sur une profonde méconnaissance de l’Open Access, de l’Open Access Initiative et des besoins réels des chercheurs et des pouvoirs subsidiants.

La notion qui sous-tend cette initiative est que les résultats de la recherche doivent être déposés directement dans un dépôt centralisé. Mais si les résultats de la recherche ne sont pas aujourd’hui en accès libre et ouvert, ce n’est pas parce qu’il manque des dépôts centralisés, c’est tout simplement parce que la plupart des auteurs ne déposent pas leurs articles du tout, même pas dans un dépôt institutionnel.

La solution n’est donc pas de créer un nouveau dépôt. Elle est dans l’obligation pour les chercheurs de déposer leur travail dans un dépôt électronique, cette obligation devant être exigée par les universités et institutions de recherche ainsi que par les organismes finançant la recherche. Si l’on se contente de laisser faire les grands pourvoyeurs de fonds tels que l’Union européenne, on ne disposera dans le dépôt central que des publications de la recherche qu’ils ont financée. On comprend donc qu’àterme, le chercheur sera amené à encoder ses publications dans autant de dépôts différents qu’il bénéficiera de fonds d’origine différente. Ce n’est pas pratique, c’est même inutilement lourd.

Comme les institutions de recherche la produisent (avec ou sans financement public, dans toutes les disciplines, dans tous les pays, dans toutes les langues), la solution qui saute aux yeux est qu’ensemble, les institutions de recherche et les organismes finançants doivent encourager la mise en place de dépôts institutionnels. Ensuite, si l’on tient à réaliser des dépôts centralisés, on pourra toujours le faire, en redondance, et ce sera facile si les logiciels sont compatibles.

Ce qui est inquiétant, c’est l’investissement, redondant à ce stade, qu’implique la création de dépôts centralisés. En fait, ceci correspond à une vision naïve qui laisse penser qu’à l’heure de l’Internet, il faille encore centraliser quoi que ce soit. L’élément centralisateur, c’est le moteur de recherche. Prenons Google Scholar: il est parfaitement efficace pour retrouver les articles dans l’ensemble des dépôts institutionnels, aussi bien que dans un dépôt central. L’utilité des dépôts centralisés n’est donc pas justifiable sur le plan technique. Le risque est même qu’ils ne solidifient uniquement que le dépôt des travaux faits avec les fonds d’un seul bailleur de fonds. Les dépôts institutionnels assurent la présence sur le web de tous les travaux scientifiques quels qu’ils soient, peu importe comment ils sont financés.

On peut comprendre que les bailleurs de fonds et organismes finançants aient envie de disposer d’un répertoire complet des travaux qu’ils subsidient, mais il est logique alors qu’ils collectent les données — c’est maintenant très aisé techniquement et cela nécessite juste un peu d’organisation pour être systématique — à partir des dépôts institutionnels plus complets ou que ces derniers leur communiquent automatiquement l’information.

Par ailleurs, la philosophie qui sous-tend l’Open Access est planétaire. Elle ne peut se confiner à une dimension européenne. La science est plus universelle que cela.

La création de dépôts centralisés n’est pas seulement une perte de temps, elle est aussi contre-productive pour la généralisation du dépôt obligatoire car elle multiplie, pour des chercheurs qui résistent déjà à déposer ne fût-ce qu’une fois leurs travaux, elle multiplie les endroits où ils doivent les déposer !

Nous sommes donc en présence d’une initiative de très bonne volonté, qui a du sens pour l’ESF, mais qui est un peu maladroite. Il eût été préférable de développer le principe que les dépôts centralisés soient des récoltants d’informations à partir des dépôts institutionnels et non des endroits de dépôt direct. Le principe même des dépôts thématiques (par sujet, par domaine de la science, par nationalité, par continent, par source de financement, etc.) ne peut qu’ajouter à la confusion dans un domaine qui n’est déjà pas facile à mettre en place et où le succès le plus complet est lié à la proximité du niveau de pouvoir et d’exigence. Les dépôts thématiques (ici, il serait doublement sectoriel: Europe & Biomédecine) ont beaucoup de sens, mais doivent rester secondaires par rapport à l’exigence fondamentale du « tout accessible ».

En d’autres termes, le succès de l’Open Access, sans se heurter de front aux éditeurs, repose sur les dépôts d’articles publiés par ailleurs et sur l’exigence d’un travail unique pour l’auteur. Le plus simple et le plus efficace pour cela est le dépôt institutionnel. Toute recherche provient d’institutions: le dépôt idéal le plus efficace et le plus complet ne peut donc être qu’institutionnel. Le reste est technique: ce n’est plus qu’une affaire de récolte d’informations.

La proposition de l’ESF n’est donc intéressante que si elle se situe au niveau de la récolte secondaire des données à partir des dépôts institutionnels primaires. Dans sa présentation actuelle, elle manque son but.

ORBi gagne son pari

Notre dépôt institutionnel ORBi tient ses promesses: il a dépassé cette semaine les 4.000 références et surtout, 79% sont accompagnées d’un texte intégral et il est donc en avance sur le planning prévu. Le graphique ci-dessous indique clairement combien la croissance des encodages est rapide. Et pourtant quelques coups de sonde dans le catalogue par noms d’auteurs montrent bien que nous sommes encore loin du compte par rapport au nombre réel de publications issues de l’Institution !