mar 2 nov 2010
La supériorité de l’Open Access (OA) en matière de citation d’articles a été démontrée par plusieurs études que l’on peut retrouver facilement grâce à l’Open Citation Project, Reference Linking and Citation Analysis for Open Archives.
Vous me direz: « Quoi de plus prévisible? » et vous aurez raison. Cela fait un bout de temps que, dans chacune de mes présentations sur le sujet, je mentionne la conviction intuitive que j’en ai. Mais il fallait que des chercheurs se décident à en faire la mesure, ce qui n’est pas chose facile car, méthodologiquement, la comparaison avec les articles en accès payant n’est guère simple à réaliser et sujette à de nombreuses critiques. La méthode la plus convaincante consiste à mesurer le succès, en termes de citations, des articles publiés dans un journal de renom et mis à disposition, dans la version finale de l’auteur après peer review dans la digithèque de son institution et le comparer à ceux qui ont été publiés dans le même journal, la même année. Le résultat est concluant.
La principale critique est qu’il ne s’agirait, en fait que d’un biais dû à le tendance des auteurs de ne rendre librement accessibles que leurs meilleurs papiers… On ne peut s’empêcher de penser à une certaine mauvaise foi, mais cela demande quand même à être scientifiquement examiné.
Pour ce faire, Y. Gargouri, C. Hajjem, V. Larivière, Y. Gingras, L. Carr, T. Brody et S. Harnad viennent de procéder à un examen scrupuleux, publié dans « PLoS One ». Ils ont comparé des auto-archivages auto-sélectifs à des auto-archivages imposés comme nous le faisons ici à Liège, sur un échantillon de 27.197 articles publiés entre 2002 et 2006 dans 1.984 journaux. Pour les défenseurs, comme je le suis, de l’approche de l’OA par le dépôt des articles en accès libre (dans la mesure du possible légal) dans un dépôt institutionnel (chez nous, ORBi), il est extrêmement intéressant que cette étude ait été réalisée précisément dans ces conditions.
L’article mérite d’être lu mais on peut le résumer en disant que la supériorité de l’OA sur le plan des citations concerne les articles les plus « citables », non pas en raison d’un biais qualitatif de la part des auteurs mais en raison d’un avantage qualitatif induit par les lecteurs qui choisissent ce qu’ils souhaitent lire et citer, en toute inépendance vis-à-vis des contraintes d’achat et de disponibilité liée au moyens alloués. Ceci renforce d’autant la logique de l’auto-archivage en accès libre et l’obligation qui en est faite par les autorités universitaires, celles des centres de recherche et celles des pouvoirs subsidiants.
Et pour les avantages économiques de l’Open Access:
http://arstechnica.com/science/news/2010/11/the-economic-case-for-open-access-in-academic-publishing.ars
http://www.jisc.ac.uk/publications/reports/2009/economicpublishingmodelsfinalreport.aspx
L’étude référencée dans ces liens:
Commentaire de Gbri, le 29 nov 2010 à 15:20http://www.jisc.ac.uk/media/documents/publications/rpteconomicoapublishing.pdf
Monsieur le Recteur,
Je ne peux qu’être d’accord avec vous et votre conviction intuitive par rapport à la supériorité de l’Open Access (OA) en matière de citation d’articles. Je note également que Gargouri et al. (2010) concluent sur le fait que « the OA Advantage is real ».
Commentaire de Pierre Ozer, le 3 déc 2010 à 2:13Je remarque néanmoins que les auteurs se basent sur le « Citation counts extracted from the Thomson-Reuters database November, 2008 », à savoir les articles cités par les revues « cotées » par l’ISI Web of Knowledge, essentiellement anglophones.
Soit.
Il n’empêche que l’analyse rapide des données accessibles sur les statistiques d’ORBI montre que, si l’on considère les téléchargements, probablement plus de 70% des articles téléchargés le sont par des pays de la Francophonie (dans le Top 20 des téléchargements par pays, Belgique, France, ULG, Algérie, Canada, Maroc, Algérie et Suisse totalisent 69% des téléchargements sur un total de 86%) et que, dans le Top 100 des articles les plus téléchargés, 82% sont francophones… (en date du 3 décembre 2010).
Or, comme vous le savez, les articles francophones ont très peu de chances d’être cités dans les revues cotées par le « ISI Web of Knowledge ».
Dès lors, est-il justifié que les chercheurs soient évalués par le seul et unique « indice de citation » (essentiellement anglophone) ? Alors que ce qui intéresse les internautes sur ORBI, ce sont les articles en français qui, probablement, seront cités par des articles francophones, mais non repris dans le « ISI Web of Knowledge »…
Bien sûr, nous sommes dans un monde globalisé qui tend vers une certaine uniformisation.
Bien sûr, nous devons publier en anglais pour être le plus performant, le plus international.
Bien sûr, nous devons publier ‘pour autant que faire se peut’ dans des revues du « ISI Web of Knowledge ».
Mais lorsque les statistiques d’ORBI (site international, libre d’accès) montrent que la majorité des articles les plus lus sont « hors » de ces « bien sûr », ne serait-il pas bon de se poser et de réfléchir à cette question ?
Merci de réagir à cette préoccupation qui est, peut-être, injustifiée.
Que votre journée soit lumineuse !
Meilleures salutations,
Pierre Ozer
Votre préoccupation est effectivement injustifiée, au moins en partie.
L’initiative ORBi, outre les divers avantages de visibilité et de notoriété que j’ai souvent mis en évidence, présente un autre avantage, imprévu mais logique: elle donne aux publications en français un forum de publicité insoupçonné. Et c’est bien normal que cette ouverture se concrétise essentiellement dans les pays francophones. En fait, ORBi pallie ici un manque cruel pour les francophones: le « scanning » de leurs publications par les moteurs de recherche anglophones comme Scopus, Web of Science, Web of Knowledge.
On pourrait par ailleurs s’étonner, lorsqu’on se rend sur les pages de statistiques d’ORBi, du succès en termes de lecture seule ou de téléchargement des articles publiés en français, qui atteignent les sommets du « hit parade » maison, de même que les articles publiés dans des revues de faible notoriété. C’est un peu la revanche contre le facteur d’impact…
Et c’était bien le but, mais j’avoue que je ne m’attendais pas à un effet aussi marqué.
Un autre effet spectaculaire est la seconde vie ainsi offerte à des articles anciens !
Mais revenons à votre question. Votre préoccupation est injustifiée en ce sens qu’ORBi contribue à rendre obsolète (un jour, j’espère) le jugement du travail des chercheurs exclusivement basé sur les facteurs d’impact et autres systèmes de mesure de la production scientifique entièrement biaisés en faveur de la langue anglaise et en faveur de certaines disciplines scientifiques. A ce titre, ORBi, qui fut critiqué au départ au sein même de l’ULg pour être une invention en faveur des sciences dites exactes ou des sciences de la santé, s’avère être tout le contraire. En effet, les travaux de portée internationale large et publiés en anglais trouvent déjà leur voie à travers l’Internet. C’est le cas des sciences biomédicales largement diffusées par PubMed, par exemple. Les physiciens et les mathématiciens connaissent également la diffusion par Internet depuis longtemps. En fait, nos statistiques d’ORBi sont très parlantes, il faut les consulter pour se faire une opinion objective.
Là où votre préoccupation reste justifiée, c’est lorsque des responsables d’évaluations en sont encore à mesurer la productivité scientifique avec des instruments aussi biaisés que le facteur d’impact des journaux ou le H index des auteurs. On ne peut que le regretter et combattre ce travers de diverses manières. Je pense y a voir beaucoup contribué dans mon université en créant ORBi et en rendant obligatoire les dépôts des publications pour l’ensemble des chercheurs de la Maison, en créant trois Conseils sectoriels de recherche, dont un en sciences humaines, le premier à s’éloigner délibérément des standards d’évaluation biaisés, et au FNRS, en favorisant l’élargissement des commissions et des processus d’évaluation (élargissement en termes de domaines d’expertise et d’internationalisation, y compris vers les pays francophones). Mais je concède qu’il reste encore pas mal de chemin à parcourir.
Commentaire de Bernard Rentier, le 4 déc 2010 à 8:54