Suite à la « votation » helvétique du 9 février dernier « contre l’immigration de masse » qui a fait grand bruit, et pour cause, la Commission Européenne a, le 26 février, en guise de représailles, purement et simplement exclu la Suisse des programmes de recherche « Horizon 2020″ et des échanges d’étudiants « Erasmus+ ». Elle a également fermé immédiatement l’accès des chercheurs suisses aux prestigieuses bourses de démarrage de l’ERC (European Research Council).

Si on doit bien reconnaître que la Suisse a, dans le cadre de sa démocratie directe, commis une erreur d’une extrême gravité qui ne peut que susciter la colère, si on peut comprendre que l’Europe veuille exercer des représailles, il est absolument aberrant que celles-ci portent sur les programmes d’échange et sur les programmes de recherche. Ceci équivaut, pour les pays membres de la Communauté européenne, à se tirer un balle dans le pied, en se coupant de collaborations importantes. En effet, nos universités collaborent avec les suisses dans de nombreux programmes d’excellence européens et ces collaborations renforcent nos candidatures. Une telle mesure risque aussi d’amener les suisses, dont les universités et la recherche sont de très grande qualité, à se tourner vers d’autres pays du monde pour leurs collaborations et même de provoquer une ‘fuite des cerveaux’ internationaux actuellement attirés vers le continent européen par les institutions suisses.

Jamais, dans l’histoire des relations politiques de la Communauté européenne, de telles représailles, portant spécifiquement sur la science et l’éducation, n’ont été mises en œuvre, même pas vis-à-vis de pays qui ont fait l’objet de sanctions économiques, un outil souvent employé par l’Europe lorsqu’elle est mécontente… Le recours à des sanctions visant spécifiquement les étudiants et les chercheurs est donc complètement disproportionné et contre-productif.

Plus encore que pour trouver des financements, c’est pour la qualité des collaborations et pour le prestige que leur confère la participation aux programmes européens que les équipes de recherche suisses sont candidates. Nos collègues suisses nous disent qu’on peut s’accorder, dans le cadre de sanctions, sur la prise en charge par la Suisse de la totalité de sa quote part financière des bourses ERC mais qu’il serait absurde de les empêcher de faire partie de la compétition, et plus encore lorsque c’est en collaboration avec nous. Si la Suisse mérite des sanctions, ses étudiants et ses chercheurs, non, pas plus que les nôtres.

En conséquence, et en se concentrant sur l’urgence la plus pressante, puisque les demandes de bourses d’amorçage ERC (« Starting Grants ») doivent être rentrées pour le 25 mars 2014 et que les chercheurs suisses qui travaillent depuis plusieurs mois sur de tels projets ont vu se fermer pour eux l’accès au dépôt ‘en ligne’ des candidatures, il est essentiel que la communauté scientifique européenne se mobilise pour demander à la Commission que soit levée cette sanction avant le 25 mars, même si elle est maintenue sur le plan budgétaire.

Le photographe liégeois Jim Sumkay est reparti à Kiev, où il avait séjourné en 2009 et 2010, cette fois dans le cadre d’une collaboration avec l’ULg et dans les conditions difficiles que l’on devine…
Ni voyeurisme, ni reportage de guerre, juste une grande empathie pour ‘les gens’.
Capture de moments, d’attitude et de regards.
Humour et tendresse.
Indépendamment de la politique et des intérêts partisans qui s’affrontent, des gens vivent ces évènements, les endurent et se révoltent. Certains meurent, tous sont meurtris.
Jim est capable, dans son style si particulier, de capter cette vie qui continue, ce chaos qui s’organise, pour nous en ramener des instantanés.
L’art et la vie ensemble.
Il en naîtra une exposition, pour un public comme vous et moi, au travers d’un regard différent de la photo de presse. Pour nos étudiants surtout, pour une jeunesse qui doit réaliser qu’entre 1914 et 2014, si le monde a beaucoup changé, son coté noir reste terriblement le même.
Bon vent, Jim !

Pour un coup d’œil quotidien sur une partie du travail de Jim Sumkay à Kiev, suivez la page ENDOSCOPIE

Photos: © Jim Sumkay, 2 mars 2014

ULg – Musée en Plein Air – Jim Sumkay :
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La Fédération des Étudiants Francophones réagit à une interview que j’ai donnée au journal L’Avenir. J’aimerais remettre les choses dans leur contexte.
Tout d’abord, par rapport à l’article. En effet, dans sa version longue (version papier), il est peu fidèle à ce que j’ai dit. Tout le bien que je pense de la réforme qu’amène le décret « Paysage » a été évacuée pour ne garder que les aspects critiques, par ailleurs fortement grossis.
Cette déformation de mes propos, parfois flagrante, parfois plus subtile, trahit le fond de ma pensée. Le mal est fait, mais essayons tout de même de clarifier.

« Entre démocratie et démocratisation
Aujourd’hui, sur le site du journal L’Avenir, le recteur de l’ULg Bernard Rentier exprime sa vision de la démocratie dans l’enseignement supérieur, réfutant la comparaison entre l’université et un moulin. Selon lui, la réforme Marcourt est née d’une stratégie électorale et la FEF ne comprend pas le sens du mot ‘démocratie’. »

Effectivement, l’article de journal laisse penser que je crois qu’une stratégie électorale a présidé à la rédaction du décret « Paysage ». Il n’en est rien et c’est là une déformation de mes propos. En réalité, je suis convaincu de l’intérêt de ce décret et je pense sincèrement qu’il contribuera à faire évoluer l’enseignement supérieur francophone belge. Je pense effectivement qu’il comporte encore des défauts et des lacunes et qu’il doit être adapté aux réalités de terrain mais sur le fond, j’y suis favorable.

« Alors reprenons depuis le début, avec prudence…
Pour la FEF, la liberté d’accès à l’enseignement supérieur est primordiale pour de nombreuses raisons. Il est indispensable que chacun, quelle que soit son origine sociale et culturelle, quels que soient ses moyens financiers puisse avoir accès, s’il le souhaite, à l’enseignement supérieur. »

Je partage complètement cette analyse. Aucun obstacle de nature sociale ou financière ne peut barrer la route de l’université à quiconque. Toutefois, je fais un constat : ce n’est pas nécessairement la vocation de tout le monde de faire des études universitaires. Ou alors, il faut faire entrer dans l’université toute la diversité des formations qui aujourd’hui n’y sont pas. En bref, c’est là tout l’intérêt que je porte à la constitution des pôles. Dans cette configuration, la diversité ne s’accroît pas au sein de l’université mais est disponible dans chaque pôle. La visibilité de l’éventail des formations offertes au sein du pôle sera donc beaucoup plus grande demain qu’elle ne l’est aujourd’hui. De plus, il faudra se débarrasser de l’échelle de valeurs que l’on connaît aujourd’hui dans la comparaison des formations disponibles. En d’autres termes il faudra se débarrasser de la vieille idée des formations de premier choix ou de second choix, mais faire en sorte que chacun choisisse les études qui lui sont le mieux appropriées. Cela implique évidemment un test d’orientation. Et si le futur étudiant ne souhaite pas suivre la piste que les spécialistes de l’orientation lui ont indiquée, libre à lui. Mais, le cas échéant, il devra faire face a l’éventualité d’une préparation insuffisante. C’est là qu’intervient l’année propédeutique que je suggère d’organiser. L’autre option est alors de le laisser commencer des études pour lesquelles il n’est est pas prêt et affronter la réalité d’un échec en fin de première année, ce qui s’impose à près de 70 % des étudiants au premier essai. Pour moi, une prise en charge plus personnalisée par des spécialistes mettrait l’étudiant dans une situation bien plus positive que de l’envoyer directement « au casse-pipe ».

« Alors lorsque Bernard Rentier estime qu’un test préalable à l’entrée à l’université serait démocratique, permettant de laisser moins de gens « sur le côté de la route », la FEF réagit.
Tout d’abord, le type d’études qu’un étudiant fait ne doit pas être déterminé par ses résultats à un test d’entrée, ses connaissances en fin de secondaires étant déjà évaluées par le CESS, mais bien par sa liberté de choix quant à son avenir notamment grâce à la mise en place d’un service public d’orientation. En effet, il n’existe actuellement pas de service regroupant de manière impartiale toutes les filières présentes dans l’enseignement supérieur. Le service public d’orientation que défend la FEF répondrait à ce manque de communication entre l’obligatoire et le supérieur. Et si l’enseignement secondaire belge est réputé pour être fortement inégalitaire, ce n’est pas à l’élève sortant d’en payer les pots cassés à l’entrée du supérieur. »

Commençons par préciser que je ne suggère nullement que « le type d’études qu’un étudiant fait doit être déterminé par ses résultats à un test d’entrée ». J’ai toujours été clair sur le rôle de ce test, que je considère comme la mise à disposition d’un tableau de bord permettant à l’étudiant de jauger ses forces. L’étudiant fait ensuite ce qu’il veut. À nous de lui offrir le soutien dont il a besoin.
Je ne ferai pas de commentaire sur la valeur indicative du CESS.
Par contre, c’est bien le rôle du Pôle de regrouper de manière impartiale la panoplie des formations d’enseignement supérieur disponibles. C’est aussi à lui d’assurer la rigueur des informations fournies, à lui aussi de veiller à minimiser le phénomène de concurrence, en mettant en place des synergies profitables à tous les acteurs de l’enseignement supérieur. Aujourd’hui, divers établissements, dont l’ULg, disposent de services d’orientation où des professionnels avertis peuvent utilement conseiller l’étudiant sur son choix et il peut ensuite trouver des conseils de guidance dans ses études et un soutien à sa réussite. Ce sont ces structures-là qu’il conviendrait de renforcer considérablement si leur mise à contribution se généralise, ce qui serait très positif.

« Si « le but de ce test est d’aider le maximum d’étudiants à réussir », »

C’est bien son but, en effet.

pour la FEF, même s’il est présenté comme une mesure d’aide à la réussite, ce test n’aura en fait comme unique conséquence que de cristalliser les inégalités du secondaire. Si l’objectif est d’aider l’étudiant à réussir, c’est aux établissements de mettre en place des mécanismes adaptés tels que la remédiation. Par ailleurs, selon Bernard Rentier, sans cette année propédeutique, les « éléments qui ont besoin de plus d’explications ou qui progressent moins vite, ralentissent ceux qui sont prêts et donc le niveau de l’ensemble baisse ». Si le choix du mot « élément » en parlant d’un étudiant est plus que déplacé de la part d’un recteur, les tendances pro-élitistes sous-jacentes au propos le sont encore plus ».

Tout d’abord, je n’utilise jamais le mot ‘élément’ en parlant d’une personne, sauf pour en dire particulièrement du bien (« c’est un excellent élément! »). Comme je l’ai dit, je ne suis pas responsable de la transcription journalistique de mes propos!
Si on dit: « c’est aux établissements de mettre en place des mécanismes adaptés tels que la remédiafion », on indique implicitement qu’il faut évaluer au préalable. Sinon, à qui donner de l’aide…? Le test est, pour moi, cette évaluation.
Si c’est de l’élitisme de prétendre que chacun doit avoir la liberté (ou le droit, c’est comme on veut) d’avancer au mieux de ses capacités et à sa vitesse optimale, alors j’assume mon élitisme.
Que tout le monde soit égal devant le coût des études, je suis d’accord. Admettre que tout le monde nait égal en capacités ou que tout jeune de 18 ans est égal en motivation, me semble beaucoup plus difficile!

« Pour la FEF, l’enseignement supérieur doit être accessible à tous et non réservé à une élite. La mise en place d’outils pédagogiques complémentaires permettrait à ceux qui en ont besoin de se remettre à niveau sans « ralentir » les autres étudiants ».

D’accord. Dans la mesure où ils ont la motivation nécessaire.
Lorsque j’enseignais en 1è candidature, comme bondissait alors, je donnais à tous les étudiants la même question, une question simple sur une matière de fin d’école primaire dont je donnais au préalable la réponse: un schéma fonctionnel du coeur et de la circulation sanguine dans celui-ci, ventricules, oreillettes, tout ça. Tous les étudiants savaient qu’en préambule à leur examen, ils allaient avoir cette question et le schéma était à leur disposition toute l’année dans les notes de cours. Je l’expliquais en détail pendant le cours le moment venu. Dix-sept pourcents des étudiants étaient incapables de faire approximativement ce schéma le jour de l’examen…

« Enfin, la FEF revient sur la suggestion magnanime du recteur, en proposant « pourquoi pas, une bourse » pour suivre
cette année propédeutique. Or qui dit année supplémentaire, dit frais supplémentaires. Le recteur de l’ULg ne semble pas conscient des frais engendrés, directement ou indirectement, par une année d’études supérieures. Frais qui constituent une des principales barrières à l’enseignement supérieur ».

Le « pourquoi pas » n’est évidemment pas de moi. La bourse me semble aller dans le bon sens. Je suis parfaitement capable de réaliser qu’une année d’études, ça coûte. C’est pourquoi je répugne à faire doubler 60 fois sur 100 les étudiants qui entament à l’aveuglette des études sans même qu’ils sachent si ils ont une chance de réussir, au moins avant Noël.

« Si Bernard Rentier souhaite remettre en question la démocratisation de l’enseignement supérieur, la FEF ne peut que le rejoindre sur ce point. Mais rien ne justifie l’interdiction de se former sur base de critères culturels et sociaux, ou de sélection financière. Instaurer un service d’aide à la réussite de qualité et un service public d’orientation sont
pour la FEF une bien meilleure manière de diminuer le taux d’échec et de rendre véritablement démocratique l’enseignement supérieur ».

Nous sommes bien d’accord, et il n’est pas question d’interdiction, mais de prise de conscience. Quant à un service d’aide à la réussite de qualité et un service public d’orientafion, ils existent. On peut les renforcer, si on dispose de moyens, mais tout a sa limite. Pour beaucoup d’étudiants, les bases manquent et il est très difficile de les acquérir tout en soutenant le rythme du 1er Bac. Bien sûr, le mieux est de ne pas perdre d’année, mais tant qu’à redoubler, les chances de réussir la deuxième année sont bien meilleures si on a consacré la première à se préparer et à combler ses lacunes que si on l’a passée à courir derrière un train dont on a été largué très tôt…

Un vrai point de consensus: le refinancement indispensable de l’Université, en ‘définancement’ chronique depuis de nombreuses années, au point de devenir incapable de remplir son rôle et d’assurer un parcours adapté à ceux qui, parmi ses étudiants, ont besoin de soutien.

A lire, dans un article du blog du recteur de l’ULB intitulé « Le dangereux marketing de certaines universités », une mise en garde de pur bon sens à propos d’un article du Soir sur « Première médecine: les résultats à l’UCL s’améliorent ».
Outre les effets pervers de cet article dénoncés dans le billet du recteur Viviers, cette publicité tapageuse remet en question le contexte dans lequel se réalise le test à l’entrée des études de Médecine mis en place pour la première fois en 2013.
En effet, ce test a été organisé dans la concertation permanente entre les universités. Il était convenu que les responsables docimologues des 5 universités constituaient une cellule de recherche qui analyserait les résultats et les publierait. Nous avons même prévu un financement de cette activité au sein de l’enveloppe attribuée par le Ministre. Cette cellule s’est déjà réunie à plusieurs reprises et il y avait été proposé et accepté que ce travail pourrait constituer la base d’une thèse de doctorat.
Il est regrettable que le jury du test d’orientation ait été trompé et que son travail, conçu pour aider les étudiants à se situer et à « guider » leur étude, ait été utilisé à des fins de publicité, alors que c’est exactement la dérive que l’on voulait éviter. C’est en effet sur base de l’accord interuniversitaire unanime assurant qu’aucune autre utilisation que la guidance à apporter à l’étudiant et le feed back à fournir aux enseignants et au Gouvernement n’aurait lieu, que le test d’aptitude non-contraignant préalable aux études de Médecine a été mis en place…

There is a pervasive misconception concerning the much used slogan of Open Access: « Publicly funded research must be made public freely ». The claim is based on the logic that public funders should not pay twice: first for research, then for its publication. In fact, the cost of publication should be included in the cost of research, but in real cost-based pricing while access to reading should be free.
But the misconception is elsewhere. It lies in the identity of the reader. It is true that, when a research ‘paper’ is available on the Internet, everybody who has computer access to it can read it. However, in almost all cases, access is required, specifically searched for and effectively used by scholars and professionals, not by any layperson.
Hence, the debate is derailing when it comes to support Open Access on the controversial basis that the general public should have access to research results freely. The real cause to defend is that scholars whose research can benefit from the reading have free access as soon as a ‘paper’ is peer reviewed and accepted for publication. The rest is cherry on the cake.

Le refinancement est, pour la Communauté française de Belgique, mais aussi pour les Régions wallonne et bruxelloise, et même si chacun sait que ce sont des instances distinctes, une question de priorités à gérer. Les effets de la « crise » se font sentir à tous les niveaux, il faut donc faire des choix.

1. Un état (ou toute entité qui dispose d’une autonomie décisionnelle pour le financement de son enseignement) ne peut à la fois affirmer haut et clair que le salut de son économie tient au dynamisme et à la créativité de ses universités et négliger leur financement au point de les mettre en grave difficulté pour effectuer leurs missions, même leurs missions de base.

2. Un état (ou toute entité qui dispose d’une autonomie décisionnelle pour le financement de son enseignement) ne peut à la fois défendre le principe de la démocratisation de ses universités et négliger leur financement au point de les mettre en grave difficulté pour assurer la qualité de la formation dispensée à de grands nombres.

Signons la pétition pour le refinancement (je n’en suis que le 432e signataire, mais la pétition va exactement dans le sens de mon appel officiel lors de la Rentrée Académique, le 25 septembre dernier). Contribuons ainsi également à encourager le Ministre de l’Enseignement supérieur dans sa réflexion sur les modalités pratiques de ce refinancement, puisqu’il en approuve la nécessité.

Des horaires d’examens adaptés pendant la Coupe du Monde de football ? Une brillante idée éducative à propose de laquelle on me demande si l’ULg va s’y conformer…

Et à l’ULg? me demande-t’on…On ne fera pas la même chose à l’ULg, pour deux raisons:

1. Parce que, à la demande des étudiants, les examens commencent plus tard et finissent plus tôt, ce qui rend très difficile tout espacement des épreuves.

2. Parce que l’apprentissage de la vie, c’est aussi celui-là: les étapes cruciales et essentielles ont l’absolue priorité sur les loisirs, le spectacle et le jeu. Question de valeurs. Il me semblerait indécent qu’on puisse adapter la machinerie complexe des examens universitaires aux horaires du foot, du basket, du rugby ou du tennis.

Qu’on me comprenne bien: je n’ai rien contre la coupe du monde, je pense seulement qu’il faut savoir s’organiser, tout au long de l’année, et prendre ses responsabilités. J’ai moi-même regardé des compétitions sportives diverses (foot, tennis) durant mes examens, je ne le nie pas, et notamment la coupe du Monde en 1970, mais c’est aussi comme ça que je me suis formé à gérer mon temps en fonction des nécessités plus ou moins impérieuses du moment.
Qu’il en soit ainsi pour tout le monde, ce sera aussi bon pour la formation de tous que serait désastreux le message inverse.

Et si des hautes écoles flamandes en ont décidé autrement, et qu’elles n’ont pas d’hésitation à appeler cela la lutte contre l’échec, c’est leur affaire. Ici, nous sommes à l’Université et nous avons nos exigences.

On a rapporté mes propos, émis lors d’un petit discours d’introduction pour une conférence organisée à la Salle académique dans le cadre de l’Année de l’Allemagne à Liège et dont l’ULg est le coordinateur. L’Ambassadeur d’Allemagne venait de faire allusion à la beauté de la salle et au fait que, malheureusement, la place sur laquelle donne ce bâtiment avait reçu pour nom la date du massacre de nombreux civils du quartier par une horde de soldats allemands avinés.

Malheureusement, cette appellation n’évoque plus rien à personne. L’effet de commémoration recherché par la toponymie a disparu à cause de sa banalité. A moins d’une célébrité universelle comme celle du 11 septembre, une date n’est qu’une date. On trouve des noms de rues et de places remémorant une date un peu partout dans le monde et cela n’évoque pour ainsi dire jamais rien. Moi-même, ce n’est qu’après des décennies de familiarité avec cette place que j’ai un jour, par hasard, appris à quoi ce 20 août faisait allusion. Car après tout, il y en a un chaque année…

Par contre, une plaque commémorative ne conviendrait-elle pas mieux, ou un édifice, avec une explication du massacre, de l’incendie, des destructions et de leur contexte? Voilà un bien meilleur hommage aux victimes qu’une simple date sans référence (aujourd’hui, et depuis peu, la plaque murale précise la raison de l’appellation mais très brièvement)…

La déclaration que j’ai faite était donc parfaitement spontanée et m’est venue en réponse à la constatation d’un paradoxe : nous organisons une année de l’Allemagne, tournée vers l’avenir et non vers le passé. Nous proclamons notre amitié pour un peuple avec lequel nous avons eu des affrontements durs. Nous savons tous à quel point ce passé a été mouvementé et désastreux. Je suis pour la commémoration et la mémoire, mais alors remplissons cette mission de façon claire. Après 100 ans de respect, tourner la page serait-il irrévérencieux ? Ou, tout simplement, ne pouvons-nous profiter de l’occasion pour célébrer une vraie renaissance de cette place, bordée aujourd’hui par l’Université et par le magnifique nouveau Théâtre de Liège, et dont on nous dit qu’elle sera bientôt aménagée et rendue aux piétons ? 2014 serait la date idéale pour tourner cette page.

Vient alors la question du nouveau nom. Dans l’improvisation, j’ai lancé « Place de la Culture », c’est vrai. C’est un peu ‘bateau’… On pourrait célébrer les Arts et les Sciences, la créativité, l’innovation (encore que là, c’est à un autre drame, bruxellois celui-là, qu’on ne manquerait pas de penser). On pourrait tout simplement reprendre « Place de l’Université », le nom original disparu depuis 100 ans ou, pourquoi pas, « Place de l’Emulation ». Si l’on y réfléchit bien, l’émulation est très porteuse de sens et d’incitation à l’excellence…, des deux côtés de la place! Avec l’installation du Théâtre, il ne reste plus, sur la place, que l’inscription au fronton: « Société Libre d’Emulation ». Or cette dernière s’ouvre aujourd’hui latéralement sur la rue Charles Magnette. Donner son nom à la place, outre le symbole dynamisant et encourageant pour les Sciences et les Arts qu’elle évoque, rappellerait que cette société aux nobles objectifs eut pignon sur place à cet endroit pendant plus de deux siècles.

Je sais que cette proposition n’est pas sans conséquence pour mon Institution. Je viens précisément d’insister pour que l’on ne change pas le numéro postal de l’Université au Sart Tilman (4000), pour des raisons pratiques et de coût. La même semaine, je propose le changement du nom de la place où se trouve le « bâtiment central » de l’Université. Quelle incohérence ! Aussi comprendrai-je que ma proposition puisse rencontrer une opposition ferme et de bon sens. Mais l’opportunité et la logique m’ont paru tellement évidentes, en cette circonstance, que je maintiens la suggestion faite presqu’en boutade.

Précisons que je n’ai rien demandé, ni à la Ville (contrairement à ce que dit l’article) ni à personne. Avant toute requête officielle, je dois faire évaluer le coût d’un tel changement. Mais je serais curieux de savoir si ma suggestion trouve un écho…

En cette année académique qui vient de commencer sous le signe de la liberté d’expression et suite aux événements tourmentés que nous venons de vivre avec les accidents de « baptême », à propos desquels je me suis déjà expliqué dans le billet précédent, il me semble important de clarifier une fois encore ma position.

Je respecte le folklore. Je respecte le folklore estudiantin tout autant. Le « baptême » fait partie du folklore estudiantin belge. Il s’agit, selon les connaisseurs, d’une épreuve initiatique parfaitement codifiée.
Si l’on s’en réfère aux mêmes spécialistes, il faut préserver le « baptême » en tant qu’élément du folklore et de la tradition.

Je ne peux que partager ce point de vue. Mais alors le « baptême » doit rester dans les limites de sa tradition, respecter ses codes et ses rituels avec précision.
Si c’est bien le cas, le rituel du « baptême », reflet d’une très ancienne tradition, ne pose aucun problème. Seuls les dérives, écarts et dérapages sont préoccupants.

Comment fixer les normes, les principes? Peuvent-ils être résumés en un seul ? Certainement. Le respect du libre arbitre.

Respecter le libre arbitre de chacun constitue, en réalité, le principe nécessaire et suffisant pour baliser l’ensemble des activités folkloriques estudiantines.
- Personne ne peut être obligé de participer à des épreuves folkloriques.
- Personne ne peut être obligé d’aller jusqu’au bout de telles épreuves s’il souhaite s’y soustraire et quand il en émet le souhait.
- Il ne peut être tenu rigueur à personne de n’avoir pas participé à des épreuves folkloriques ou d’y avoir renoncé, personne ne peut en subir des conséquences répressives de quelque nature que ce soit.
- Personne ne peut perdre ses droits ou certains droits en raison de sa non-participation à des épreuves folkloriques.
- Aucune épreuve ne peut être ajoutée aux épreuves académiques officielles en vue de l’obtention d’un diplôme universitaire.
Tout manquement avéré à ces principes sera sévèrement sanctionné par des peines académiques et, le cas échéant, son auteur pourra être poursuivi en justice.

En se focalisant sur la notion de libre arbitre, on peut élaborer toute la prévention nécessaire pour éviter tant les excès que les discriminations.

Le Soir, La Libre, La Dernière Heure, Le Monde, Libération, Le Figaro, BFMTV, L’Alsace, Le Point, 20Minutes.ch (Suisse), L’Express, TF1, Actu.orange.fr, Het Laatste Nieuws, etc.

L’avalanche des titres de presse qui ont suivi ma déclaration ferme après l’accident de « baptème » estudiantin dimanche dernier m’amène à préciser quelques points.

Tout d’abord, il convient de remarquer qu’il ne s’agissait pas d’une activité encadrée par un « comité de baptême », comme le précise bien la SGEV dans un communiqué. Par ailleurs, précisons d’emblée qu’après avoir passé la semaine à l’hôpital où ses parents, venus de Saint-Etienne, l’ont rejointe, la jeune fille se porte bien.

1. La réaction coup de poing. La colère que j’ai manifestée dans la presse a pu laisser penser que je voulais prendre immédiatement des mesures extrêmement graves (exclusion) à l’égard des responsables et que j’allais convoquer un Conseil d’administration spécial pour procéder à une condamnation sommaire. Il n’en est rien. En fait, je voulais dire qu’à l’occasion d’un Conseil d’administration exceptionnel, convoqué pour régler des questions budgétaires, j’en profiterais pour ajouter un point de communication, que j’y relaterais les faits et que je demanderais au C.A. d’accepter le principe de l’utilisation d’une procédure qui peut, à l’extrême, conduire à une exclusion définitive. Seul le C.A. est habilité à prendre une telle décision. Dans ce cadre, je souhaite que le C.A. prenne des mesures.

2. Le respect des lois. Il va de soi que cette procédure, bien codifiée, prévoit la garantie des droits de la défense et qu’elle ne pourrait être envisagée que si la Justice déterminait des coupables et leur niveau de culpabilité. L’Université n’a aucune compétence pour juger ce que font ses étudiants en dehors de ses murs ou de ses propriétés. Les évènements se sont produits en dehors du périmètre de l’Institution.

3. L’âge de raison. Les étudiants universitaires sont pratiquement tous majeurs et je n’ai d’autorité sur eux que dans un cadre (activités, environnement) bien précis. Il ne m’appartient donc pas de vérifier ni de faire vérifier où ils sont ni ce qu’ils font.

4. Bizutage, baptême, folklore. Un petit lexique. Nombreux sont ceux qui m’exhortent à sévir, non seulement en punissant immédiatement les coupables (ce que je ne peux pas faire puisque je ne connais pas les coupables, la Justice s’en occupe, on verra ensuite) mais en bannissant toutes les activités de baptême à l’Université. Il convient de distinguer différentes formes:
- le « bizutage » que les français ont légalement mis hors-la-loi et que je souhaite vraiment faire disparaître. Il s’agit de brimades, humiliations et épreuves physiques relavant de la beuverie. Si le principe de l’épreuve, lié aux rites initiatiques, présente un intérêt, il peut se traduire de manière plus respectueuse de chacun. Les frères d’armes, c’est un peu dépassé. L’épreuve peut trouver tout son sens dans une version plus symbolique. Dans ce cadre, je souhaite que le C.A. prenne des mesures.
- le « baptême » à la belge peut faire l’objet d’une large gamme de variantes, il n’est pas le même dans toutes les facultés ni dans toutes les universités. Les vétérinaires ont donné à leur baptême, depuis plus de 150 ans, une réputation terrifiante et ils l’entretiennent soigneusement, notamment en autorisant le ‘bizutage’. Aujourd’hui, ils ont considérablement évolué et fixé (ils le rappellent dans leur communiqué) des règles qui, officiellement, le réprouvent. Ils avaient également l’habitude de pratiquer une ségrégation très dure, parfois physiquement, mais surtout psychologiquement, de la part des baptisés sur les « chroniques » (référence à la permanence de la maladie qui consiste à ne pas être baptisé!). Dans le passé, ces comportements étaient exercés par les étudiants mais également par les professeurs. Ceci est rigoureusement interdit aujourd’hui. Le corps professoral a bien évolué et je n’ai plus reçu de plainte ou dénonciation directe, je n’ai donc pas besoin de faire usage du Conseil de Discipline. Néanmoins, des témoignages récents indiquent que le feu couve dans la population étudiante et qu’il s’agit de rester vigilant. Une moitié seulement des étudiants est baptisée aujourd’hui alors qu’ils étaient 95% naguère.
- Le folklore estudiantin est encore plus large. Il incluait le bizutage (mais plus depuis un certain temps) et les baptêmes. Très attaché à ces derniers, il comprend également de nombreuses autres activités qui contribuent à entretenir un esprit d’appartenance et qui comprennent les grandes manifestations comme, à Liège, la Saint-Nicolas et la Saint-Torè, leurs cortèges, soirées et… libations).

Les accidents de ‘bizutage’ sont inacceptables et cela d’autant plus que le ‘bizutage’ lui-même est proscrit. C’est ce que la presse a rapporté en me faisant dire que les baptèmes étaient interdits à l’Université. Les bizutages le sont. Les baptèmes doivent être cadrés et encadrés. Il doivent respecter un nombre important de règles et de contraintes, dont celle qui permet au « bleu » de demander d’arrêter à tout moment et d’être obéi. A ce stade, il (elle) ne peut être soumis à une pression morale le poussant à continuer contre son gré sous prétexte de discrimination ultérieure, et aucune ségrégation ne pourra être exercée sur lui (elle) par la suite. Une charte des baptêmes, signée par tous les comités de baptêmes, est d’application à l’ULg et elle doit justement être réexaminée dans quelques jours.

5. Discrimination. Aucune ségrégation n’est autorisée à l’Université. Par conséquent, aucune sanction, punition, ni physique ni morale ne peut être exercée par un groupe sur un autre. En particulier, aucune activité officielle, stage, voyage d’études, visite extérieure, aucun accès aux notes de cours et autres documents officiels, aucun accès aux bâtiments, salles, équipements, activités universitaires ne peut être entravé pour qui que ce soit s’il est régulièrement inscrit comme étudiant à l’Université, dans le cadre prévu de sa filière d’études. Dans ce cadre, je souhaite que le C.A. prenne des mesures et punisse sévèrement les contrevenants.

6. Liberté individuelle. En dehors de ces règles élémentaires qui relèvent plus des droits fondamentaux et de l’égalité des chances que d’un règlement interne particulier, les activités liées aux baptêmes sont autorisées (sauf les démonstrations intempestives dans les locaux universitaires) ainsi que la participation aux activités folkloriques. Comme déjà mentionné, les étudiants sont adultes et il ne m’appartient pas de contrôler leur vie privée.

7. Les assuétudes. L’Université déploie un programme important pour combattre les assuétudes en général et l’alcoolisme en particulier. Elle est donc face à une contradiction lorsqu’elle autorise la consommation d’alcool sur sa propriété, lors de manifestations, etc. Elle est totalement opposée à la consommation abusive d’alcool et se voit contrainte de prendre des mesures pour éviter ces abus. Il va de soi que les soirées « folkloriques » sont en totale contravention avec cet engagement et que, soit elle sont régulées et contrôlées par leurs organisateurs de façon responsable, soit elles n’ont pas lieu sur les campus. Pour situer la difficulté que je rencontre, il faut savoir que de nombreux parents ou observateurs me reprochent dans un courrier nourri de rejeter ces beuveries à l’extérieur, où elles échappent à tout contrôle. Je dois bien leur répondre que je ne puis tout contrôler à l’intérieur non plus (je n’ai pas de moyens pour engager des surveillants le soir pour les « guindailles » et je ne peux en prendre la responsabilité sans en avoir le contrôle) et que je ne peux empêcher aucune organisation de quoi que ce soit en dehors de l’Université.

8. Il n’y a pas de risque zéro. On ne peut tout interdire sous prétexte qu’il y a un risque. On ne ferait rien. La vie à l’Université est aussi le lieu et le moment de l’apprentissage de la vraie vie avec ses dangers et ses défis.

Voilà qui devrait éclaircir quelque peu la confusion des situations et des avis, tout en indiquant les paradoxes auxquels je suis personnellement confronté.

Je reçois des dizaines de lettres et de messages électroniques m’accusant de vouloir tuer le folklore, d’en finir avec les baptêmes. Certains sont intelligemment développés, d’autres sont franchement intellectuellement déficients, certains sont simplement injurieux.
Je reçois des centaines de lettres et de messages électroniques me reprochant mon laxisme et m’accusant d’encourager les pires dépravations, et des messages d’incompréhension des raisons pour lesquelles je n’interdis pas simplement « tout ça ». Et ceci surtout dans les moments de crise, généralement lorsqu’un accident vient de se produire. Plusieurs décès émaillent mon parcours de recteur, tous dans des circonstances sur lesquelles je n’ai pas le moindre contrôle ni même le droit d’en avoir. Et cependant aucun d’entre eux ne s’efface de mon souvenir. Dans chaque cas, j’ai ressenti un profond sentiment de colère, de frustration et de tristesse, mais aussi d’impuissance. Cette fois-ci, le dénouement est heureux et c’est très bien ainsi. Mais on a quand même frôlé la catastrophe.

J’ai rédigé ceci non pas pour me justifier de quoi que ce soit, mais pour pouvoir envoyer une information structurée à ces correspondants ou interpellants qui doivent pouvoir comprendre mes limitations et parce qu’une explication claire me semblait indispensable. L’explication a le mérite d’exister. J’espère qu’elle est claire.

*: le sujet est grave, il lui fallait un clin d’oeil… J’espère qu’on me pardonnera le jeu de mots du titre !

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